Joseph LOUGHBOROUGH, artiste du bonheur pictural

Joseph Loughborough, artiste du bonheur pictural.

Sa fascination pour la représentation des corps squelettiques, sanguinolents ou semblables à des morts vivants, pourrait trouver une explication plausible dans la propre enfance de l’artiste.

En effet Joseph Loughborough a vécu et grandi à Portsmouth, sur la côte du sud de l’Angleterre et a joué fréquemment dans les chantiers en construction entre les vieux bateaux à l’abandon. Ainsi son goût précoce pour les vieilles carcasses métalliques ne l’aurait-t-il pas conduit par analogie à considérer le monde dans une situation similaire, à savoir comme affecté par le même phénomène d’érosion et de décomposition ?

A l’évidence ses premiers dessins restent très marqués par le souvenir de spectacles étranges que certains ont dû interpréter comme inquiétants.

Je pense à ses professeurs à l’école qui ont dû être horrifiés à la vue des premières œuvres graphiques de cet élève « hors-norme ». Mais paradoxalement lui-même a l’air d’assumer tout cela avec un certain humour car à défaut de s’expliquer il désarçonne souvent son entourage par son sourire amusé aux lèvres.

Joseph L. navigue sans complexe dans son monde marqué par un réalisme excessif et provoquant. Il assume parfaitement cette situation et l’univers dans lequel émergent tous ces visages dénaturés à l’extrême ainsi que ces corps également déstructurés.

L’ennemi

Des êtres fantomatiques, inquiétants, venus d’ailleurs peuplent en permanence son environnement. Grâce à son indéniable maîtrise de la technique du dessin et du trait, il restitue un expressionnisme ardent d’une cruauté sans égale. Il permet en quelque sorte de momifier des êtres vivants comme cette esquisse au fusain dénommée « L’ennemi ».

Les corps féminins n’échappent pas à son travail de type « chirurgical » et sont parfois suppliciés à l’extrême.

 

Selected word, 2007-2009

Dans cette œuvre ci-dessus, des lignes acérées comme des flèches tailladent le corps et le scarifient. Un chromatisme sanguinolent fait alterner sur cet organisme blafard des rouges mauves, violettés et bleutés provocant une sensation de grand désarroi et une réelle répulsion.

Une vision, certes macabre mais qui reste toutefois poignante permettant aussi un voyeurisme jouisseur.

Rien n’échappe à ce rituel acide et provocateur. Ce monde orgiaque désacralise le corps.

Mais cet être crucifié et profané c’est aussi la signature d’un art qui se veut lucide et ne se plie à aucune concession. C’est pourquoi Joseph L. est l’artiste de la plénitude, d’un art brutal, qui se veut entier et vrai.

Les œuvres tempétueuses de ce jeune artiste anglais rejoignent celles d’un Baselitz ou d’un Schönebeck qui avaient déjà proclamé en 1961 l’âge du « réalisme pathétique ».

Joseph L. permet par son style de pérenniser cette rage spontanée et cette rébellion juvénile face à tous les académismes et les conformismes de notre époque.

 

Russian series

Ainsi cette œuvre au fusain et au pastel sur papier qui représente un visage ensanglanté de profil possède toute la force de l’effraction grâce à ce feu brûlant, le sang, qui éclabousse et macule l’espace.

Cette nouvelle expressivité bouscule les a priori de la beauté conventionnelle pour donner vie à une nouvelle façon de voir et d’imaginer l’art.

Parfois l’artiste force le trait en utilisant une représentation très provocatrice comme l’œuvre ci-dessous pour illustrer par l’ironie l’état de notre monde qui est proprement suicidaire.

 

Selected work, 2007 - 2009

Mosaic

Mais Joseph L. est aussi le digne représentant de cette nouvelle génération de peintres de son temps pour qui la question de l’abstraction ou de la figuration n’est plus aujourd’hui qu’un anachronisme.

Ainsi le travail figuratif de l’artiste peut déboucher également sur des formes abstraites comme la série des « Mosaic ».

Dans cette œuvre, l’on distingue encore des formes humaines mais celles-ci se diluent pratiquement dans la composition, dans une sorte d’incommensurable bourdonnement cosmique. Joseph L. suit les traces d’un Mark Tobey dans ses voyages interplanétaires.

 

Mosaic

S’échappant définitivement de toutes formes figuratives, l’artiste réussit à nous faire plonger au cœur du cosmos dans le frémissement et le fourmillement des parcelles d’énergie lumineuse. 

 

 

Et à l’exemple également d’un Roger Bissière, Joseph L. nous permet de cheminer dans un endroit indicible, en dehors de toute référence réaliste, là où existe un bonheur pictural à l’état pur.

 

Christian Schmitt, le 29 août 2011.


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Site de Joseph LOUGHBOROUGH