YAZE, 2005

 

 

(Sans titre, 2005, acrylique sur toile, 150 x 150 cm.)

 Commentaires de la toile de Yaze

Yaze peut se définir comme le primitif d'une nouvelle sensibilité issue du Street-Art et du graffiti. Cet art de la rue, dans lequel il a baigné et qui a été trop longtemps rejeté et méprisé par les galeries, est en phase d’être reconnu comme un art majeur. Il est peut être le dernier vrai mouvement artistique important du 20° s. et qui perdure en ce début du XX° s.

Yaze surfe avec bonheur sur cette vague déferlante issue de ce monde de la subversion et de l’insolente liberté, pour investir de façon inouïe ses toiles de la violence, de la fureur et de la rage de peindre.

Parmi ses réalisations récentes, ce tableau, sans titre de 2005, se présente comme un condensé de champs de forces concentriques, animées par des poussées nerveuses, convulsives, sauvages. 

La personnalité de l'artiste se manifeste d'une façon à peine voilée: une vigueur débordante, prête à déverser le trop plein d'énergie. Cette force est si violente qu'elle ne peut empêcher l'acrylique de dégouliner ou de maculer la toile de giclées, de coulures ou de balafres. 

L'écriture du peintre excitée et excitante, souvent d'une grande énergie se manifeste comme dans une transe. A l'évidence, il s'agit d'un art archaïque, primitif qui s'est frotté à la rue, possédant spontanéité, vérité et audace contre toutes les formes d'académisme ou de complaisance vis-à-vis d'un art purement esthétique. 

Bien évidemment la force intense de son acte pictural nous fait penser à l'Action Painting de Pollock et son expressionnisme enflammé, tumultueux et véhément également à Cobra et à Asger Zorn en particulier qui fut remarqué pour son expressionnisme passionné. 

Zorn, grâce à sa puissance visionnaire, éleva son art nettement au-dessus de ses contemporains. Par la destruction de la forme, il permit de s'attaquer au perfectionnisme et à un courant dominant excluant l'esthétique et dénué d'élan critique. Mais jamais, malgré ses explosions chromatiques et formelles, Zorn n'anéantit totalement la forme. 

Dans le cas de Yaze, ce peintre inonde souvent ses toiles du portrait et en particulier de sa personne, n'hésitant pas à se prendre lui-même pour modèle. Il maintient, à l'exemple de son illustre maître du mouvement Cobra, un judicieux équilibre entre abstraction et figuration. 

Mais dès 2008, lors de sa première exposition personnelle à la galerie Beaubourg à Paris, l'autoportrait s'estompe de même que toute forme de figuration et il justifie lui-même cela en ces termes: 

« Pour la première fois, le visage disparaît. J'ai assez parlé de moi » 

De fait même dans ses œuvres les plus récentes, Yaze ne s'est jamais totalement détaché de la figuration.

A vrai dire chez ce peintre la forme figurative apparaît toujours de façon allusive. Dans la toile de 2005 notamment, on imagine certes un visage qui surgit dans cette tempête de couleurs. Or celui-ci n'apparaît pas distinctement. Il faut effectivement avoir une certaine imagination pour le voir et c'est là peut-être tout l'art de ce peintre que de laisser le champ libre à l’expérience sensible et au monde du mystère. 

Il donne l'impression que le visage s'efface ou disparaît même si l'on distingue encore quelques traits ou une forme vaguement évanescente. En réalité cette vision participe à la gestique de la toile. 

En effet ce qui est remarquable dans ce tableau c'est la gestualité impulsive et spontanée même si au demeurant cette oeuvre reste toujours sous le contrôle intellectuel, comme une expression d'une sensibilité typiquement lyrique et dramatique. 

Bien entendu c’est avant tout la couleur qui rend visible l’expressionnisme du peintre. Or de manière étonnante Yaze n’utilise que très peu de couleurs, le rouge, le noir et le blanc, et accessoirement un bleu atténué. Mais ces rares teintes suffisent à impulser le mouvement et l'intense chorégraphie de l'œuvre. 

En effet chez Yaze l’élément musical et la danse y jouent un rôle prépondérant. Ils permettent notamment à notre esprit de vagabonder. Ainsi sa fureur enragée du pinceau nous conduit par un rythme endiablé à un monde qui nous échappe, car il nous est étranger. 

Le peintre danois Zorn disait notamment à ce propos : 

« Aucune œuvre d’art ne peut se faire s’il n’est pas déjà en elle-même un éloignement par rapport au monde existant « réel » ou « normal » ». 

Et Yaze par ses œuvres montrant en permanence un visage voilé qui se dérobe au regard insistant, qui se dissimule plus qu’il ne révèle, veut nous faire franchir les limites de sa propre peinture grâce à la puissance visionnaire de son imagination. 

Beuys a dit : « L’homme doit apprendre à s’élever au-dessus de sa réalité. Il doit se créer un véhicule spirituel, avec lequel il atteint un tout autre point de vue dans le cosmos. ». 

Assurément ce peintre semble avoir trouvé un tel « véhicule » puisque face à la mutité de notre monde, Yaze a le don de nous faire entrevoir l’indicible.

 

Metz, le 29 août 2010. 

Christian Schmitt

 

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