BENOIT CHALUT
Les aquarelles de Benoit Chalut (*)
Son paradigme pictural fait penser à la royauté aveugle du geste d’un Matisse. Cependant malgré les évasions imprévisibles réalisées par l’artiste grâce à la vaporisation de peintures sur le papier, celui-ci équilibre toujours par le pinceau. Il maîtrise en traçant des lignes, des frontières, voire des fractures pour canaliser l’enthousiasme et l’inquiétude.
Les œuvres de B.Chalut passent donc par la voix du pinceau.
Mais initialement, le peintre réussit à créer un fond originaire conduisant à des sortes de mirages de la lumière. Souvent aveuglante comme une flamme spirituelle qui apure l’image de toute représentation.
L’artiste joue des fluidités et des transparences de l’aquarelle et ne tombe jamais dans l’anecdote. Grâce à la non-figuration, il veut produire à la manière d’un Kandinsky « des vibrations plus profondes, plus sensibles que les sentiments élémentaires comme l’amour, le désir et l’angoisse » c’est-à-dire seulement ordinaires.
Ce peintre comme son illustre aîné veut exprimer une volonté de transcendance et situer son art dans les zones de l’esprit pur.
Sans épouser l’automatisme prôné par Breton, sa démarche spontanée s’apparente davantage à une forme d’écriture lyrique, voire poétique.
La représentation s’efface devant la transfiguration de « l’instant poétique » ou « espace onirique » à la manière également d’un Pierre Alechinsky.
Selon ce même grand peintre, c’est souvent le hasard qui permet d’avancer et selon sa propre devise : « découvrir à chaque brasse, notre propre nature ».
Mais n’épousant pas totalement la cause des surréalistes, B. Chalut corrige la spontanéité et parfois l’accident par la force du pinceau.
Souvent par simple effleurement et non-agression, la main du peintre métamorphose chaque trait à la manière de signes mystérieux.
Il en résulte parfois un style japonisant ou asiatique peut-être prémonitoire ? (l’aquarelle : « Leur arrivée sur papier »).
De temps à autre les signes ne permettent pas de calmer l’atmosphère. Ils agissent comme des éléments perturbateurs. Ils se télescopent et se brisent. Sourds à toute raison comme voués à la catastrophe ou à une passion dévorante (les aquarelles « Rose douceur, rose passion », « tableau eyes-2 »).
A l’évidence tout cela participe à la vie débordante de ces aquarelles mises en permanence à contribution et sous la pression de la couleur qui se révolte et s’impose partout. Par la fraîcheur et la pureté, elle apparaît souvent comme issue des mondes originaires, d’un volcan en éruption ou de l’univers en formation lors du déclenchement du big-bang (l’aquarelle « Essai » notamment).
La lumière circule sur chaque feuille et ce malgré parfois la concentration de pigments qui visent à associer à cette transparence une puissance chromatique maximale.
La coulée du magma hante le paysage voilé et coloré de chaque œuvre. La lave a en quelque sorte investi l’espace d’une force primale.
C’est pourquoi les couleurs sont chaudes et vives comme ces jaunes, ces ocres, ces violets, et ces roses qui participent au même flamboiement.
C’est une beauté simple, vierge qui donne lieu à une prédication de la beauté pure qui est totalement inutile selon Kant.
Inutile dans le sens qu’elle est basée sur l’idée de la raison et non d’une nécessité ou d’un besoin matériel. En ce sens elle rejoint l’idéal.
De même pour Hegel pour qui la beauté devait exclure la beauté naturelle. Selon lui la vraie beauté est la beauté artistique, le produit de l’esprit.
C’est pourquoi ces aquarelles nous convoquent paradoxalement à un rendez-vous qui n’est pas celui de la nature mais bien celui situé en nous-même.
Christian Schmitt
Metz, le 8 mai 2012.
(*) Benoit Chalut , né en 1985 vit et travaille en Poitou-Charentes
Biens visibles, aquarelle et encre de chine, 36 x 48 cm
Bouquet 160, aquarelle, encre de chine, 50 x 65 cm, papier 160
Coupe Fleurie, aquarelle et encre de chine, 36 x 48 cm
Dans le vase, aquarelle, alcool 70, encre de chine, 36x48 cm
Essai, aquarelle et encre de chine, 36 x 48 cm
Je t'ai attendu, aquarelle et encre de chine, 36 x 48 cm
Leur arrivée, sur papier 160 gr, 50 x 65 cm, aquarelle et encre de chine
Rose douceur, rose passion, aquarelle, encre de chine, 36x48 cm
Têtes d'Hortensias, aquarelle et encre de chine, 36 x48 cm