PRESENTATION

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Trévisse dans sa crypte glacée… 
 
 
"Les peintures du pauvre Trévisse sont gardées dans une crypte glacée…personne ne peut les regarder, personne ne peut les acheter, ainsi ne peuvent-elles pas vivre, les filles de Trévisse et resteront vieilles filles."
 

Ce visiteur anonyme du web qui laissa le 2/11/2006 ce commentaire à propos des peintures de Trévisse sur un site internet, traduit le tragique oubli dans lequel l’artiste et ses œuvres sont enfermés.

Depuis sa disparition à 49 ans le 12 décembre 1998 à Briey, suite à une longue maladie, Trévisse est resté inconnu du grand public et ses œuvres sont restées « vieilles filles » à ce jour.

Personne, à part sa famille et ses quelques amis, ne se souvient de ce peintre, de ce qu’il était, de ce qu’il voulait et de sa sensibilité torturante qui l’avait poussé sur les hautes cimes de la création.

Il s’était réfugié en soi-même, évitant les visages connus, peu soucieux de plaire ou seulement d’intéresser. Ce peintre « sauvage » a souffert et on ne le sait pas.

Certes il n’a jamais été facile de vivre en compagnie d’un être aussi complexe que mon frère.

Jean-louis n’était pas un être confortable et vivait à l’exemple d’Antonin Artaud, son maître vénéré. Il a été un détonateur comme ses toiles qui explosaient par la violence et se lisaient à feu et à sang. Derrière ce déchaînement, se cachait en vérité un être sensible, mais il vibrait à l’image du monde qui l’entourait et cela le rendait parfois insupportable à vivre.

Il ne cherchait pas à occulter la réalité mais plongeait en elle de manière radicale. En triturant et en lacérant les corps dans ses dessins à l’encre de Chine des années 1970, il s’efforçait de découvrir l’autre côté de l’être. Sa passion de l’exploration de cette autre réalité le conduisait à détruire et à casser le monde des apparences. Ce faisant il dérangeait et perturbait ses proches car sa façon de travailler l’amenait parfois à avoir un comportement qu’on attend d’un fou. 

Pourtant il eut une enfance heureuse. Issu d’une famille ouvrière, Jean-Louis Schmitt naît le 27 juillet 1949 à Moyeuvre-Grande (Moselle) où son père travaille comme contremaître aux usines De Wendel. Il grandit dans un environnement  parfois triste mais toujours pétillant de vie et de chaleur humaine.

Il est l’aîné d’une fratrie de quatre garçons ; doué précocement pour le dessin, il exerce une réelle fascination auprès de ses proches : adulé notamment par ses frères et parents, il est particulièrement choyé par ses aïeuls.

Adulte il a toujours gardé cette âme d’enfant et choisit son pseudonyme – qu’il adopte définitivement à partir de 1980 – dans ses souvenirs de lecture : Davy Crockett est le héros de son enfance, son meilleur ami s’appelle « Travis », il sera donc, en français « Jean-Louis Trévisse ».

En 1965, il fait son entrée aux Arts Appliqués à Metz. Son autoportrait réalisé à l’âge de 13 ans impressionne fortement les enseignants qui admirent sa maîtrise technique.

Il obtient le diplôme national des Beaux Arts à Strasbourg en 1969 avec une mention spéciale grâce à ses aquarelles remarquables d’élégance et de résonance chromatique.

A la même époque, il enseigne au collège de l’Assomption à Briey. Les années qui suivirent, il réalise une série de  dessins à l’encre de Chine sur des corps éventrés (époque du traumatisme fœtal), s’adonne à la sculpture, à la technique du lavis et ensuite se prend  de passion pour l’acrylique avec des grandes toiles  (période des acryliques à feu et à sang).

Mais dans les années 1980, il ressent le besoin de tout quitter : son poste d’enseignant et la région Lorraine pour se consacrer uniquement à sa démarche picturale.Sa période parisienne (1983-1990) sera riche et féconde, il atteint une maturité et un style incomparables. Il expose à titre personnel dans des galeries parisiennes (Galerie Camion et Espace Amescor) et participe à des expositions collectives (Vitry-sur-Seine, Galerie Katany à Annecy, Galerie Bercovy-Fugier…).

Or malgré cette époque d’une grande créativité, Jean-Louis se résigne dès 1990 à quitter la capitale car il a perdu espoir de « percer » et de se faire un nom dans ce milieu difficile de la création. 

Il retourne  vivre dans sa région d’origine d’abord à Metz puis à Briey. 

Lorsqu’il regagne le pays natal, l’histoire de sa vie semblait finie et pourtant celle de son esprit s’ouvrit encore plus largement. Il approfondit son cheminement intérieur dans ces paysages familiers de son enfance et les souvenirs réveillent en lui cette innocence des premiers âges de la vie.

Lorsque la maladie s’empare de son corps, il souffre comme ce paysage meurtri et abandonné de la vallée de l’Orne où les usines ont pratiquement toutes disparu* et avec elles, cette agitation humaine, fourmillante et foisonnante qu’il avait connue enfant, arpentant avec ses parents la rue Franchepré à Joeuf. (* L’usine de Gandrange étant à ce jour la seule à subsister dans cette vallée…mais pour combien de temps ?)

Et surtout le jour de Pâques où sur la place du Marché à Moyeuvre-Grande, la fête foraine lui donnait le vertige par le spectacle inouï de ses manèges. Leur tourbillonnement lui rappelant alors cette vie qui passe et le temps qu’il ne peut arrêter. 

Comme un pauvre homme, il souffre dans son cœur, dans sa chair, mais il ne se plaint jamais.

Il souffre, en effet, mais la joie mystérieuse habite son univers empli par les frissons de son enfance, les frissons que l’on retrouve dans ses derniers dessins ou lavis. De sa main tremblante il réussit à transposer le friselis de ces ondes  de façon lyrique et spontanée dans des formes qui semblent naître et renaître à l’infini.

Le chant de joie qui crie derrière ces dernières créations est surprenant alors que le doute, l’abandon, la souffrance et l’angoisse de mourir l’enserrent de toutes parts. Une force inconnue agit en lui le poussant à poursuivre son œuvre au-delà de toute espérance.

Par ses débordements inspirés, Trévisse laisse une œuvre toute entière marquée par le lyrisme et la poésie, une œuvre riche et abondante, surprenante par la diversité des styles.

« Devant l’œuvre picturale de Trévisse, le néophite réagit malgré lui, l’œil avisé du connaisseur aussi.

On se sent comme projeté dans un monde abstrait fait d’un mariage de couleurs s’entrechoquant harmonieusement.

Trévisse manie la couleur comme le poète manie les mots. Généreusement, il offre aux sensibles jouisseurs de la métaphysique un langage et une musique issus d’un monde chimérique ; bizarrement le vert fait défaut à ce poète des maux, à cet émule d’Artaud..

Tremblant comme une feuille devant les injustices et les iniquités de la vie, sans vert, envers et contre tout, Trévisse peint non pas ce qu’il voit et ressent, mais ce qu’il Est…un poète avant tout. » (Barthels, un ami écrivain – le 10 septembre 1992).

( Introduction de l'ouvrage " L'univers de Jean-Louis Trévisse, artiste peintre" de Christian Schmitt)

J.L. Trévisse vers 15-16 ans

 

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INTERVIEW RADIO DE TREVISSE EN 1982http://chri.schmitt.free.fr/itwtrevisse.mp3