CATACLYSME PICTURAL DE YAZE
Cataclysme pictural de Yaze
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Article paru p.30 dans le magazine "Id prestige" avril-mai 2012.
Après plusieurs semaines de « jeûne créatif », sans toucher un seul pinceau et comme retiré dans le « désert », Yaze renoue enfin depuis 10 jours seulement avec la peinture dans un atelier parisien intitulé « Seen Studio ».
Comme à son habitude, armé de ses seuls pinceaux, brosses et tubes, il ne ménage aucunement la matière picturale puisqu’il la traite plutôt avec rudesse, voire avec rugosité et même avec une certaine fureur. Tout cela participe à sa démarche de type maïeutique qu’il utilise avec bonheur dans le seul but de faire accoucher des vérités profondes et cachées.
C’est aussi sa façon toute personnelle d’exprimer sa passion débordante qui rime souvent avec un certain sens de la démesure voire de folie (la folie nécessaire selon Nietszche !) et même d’un certain état d’ivresse (dans le sens poétique du terme). Il peut dès lors projeter les pigments sur de grandes toiles et les faire vibrer de tout son être.
Le résultat est époustouflant.
La rage, le goût de l’aventure accompagné d’une certaine violence assumée sont autant d’indices de son empreinte sauvage, envoûtante et poétique.
Il s’empare de tous ces lieux comme un « primitif » qu’il demeure au fond de lui-même et c’est pourquoi il réussit à faire surgir des forces insoupçonnées.
Il y a d’abord la fulgurance des couleurs vives qui éclatent comme au premier jour : le rouge sang semble couler comme de ses propres veines alors que toutes les autres couleurs vives qui jaillissent paraissent sourdre des entrailles telluriques. Ce sont notamment ces jaunes, ces violets qui dégoulinent et ces noirs profonds qui maculent l’espace comme les scories qui surnagent la lave en fusion.
Ensuite dans une œuvre que l’artiste affectionne tout particulièrement, l’on voit émerger deux yeux. L’un le plus proche, qui est énorme, semble nous interpeller comme l’œil de Caïn. L’artiste fait resurgir l’un des grands mythes fondateurs de notre humanité.
Tout cela rappelle à l’évidence le poème de Victor Hugo « La conscience » qui parle de cet œil de Caïn poursuivant celui qui a tué son frère Abel, le juste. « Tout grand ouvert dans les ténèbres », même caché dans une tombe, l’œil regardait Caïn comme cette conscience qui singularise à tout jamais notre humanité parmi les espèces vivantes.
La résurgence des mythes fondateurs de l’humanité est le résultat d’un travail de fond de la matière.
Dans chaque tableau, Yaze s’emploie à retrouver la fraîcheur et l’éclat des couleurs naturelles comme au matin de notre monde.
Comme les grands noms de la peinture, Yaze se définit volontiers comme un primitif avec toujours cette volonté de culbuter les choses établies comme le souhaitait notamment un Dubuffet :
« Vous verrez, nous réussirons à culbuter cette pyramide de stuc de la fausse peinture qui serait actuellement, et ce faux art… ».
Dubuffet envisageait volontiers une esthétique de la table rase et plus encore Antonin Artaud le chaos lui-même!
Indéniablement, il y a dans cette manière de peindre de Yaze une dimension apocalyptique servie par son « cataclysme pictural ».
Toute son œuvre conduirait à une phase de déconstruction nécessaire dont parlait Derrida.
Selon ce philosophe, l’événement de l’œuvre apocalyptique c’est un drame qui va se produire…l’œuvre fixe ce temps d’extase qui est aussi un commencement, le début de ce cataclysme.
Yaze nous offre rien de plus mais rien de moins que ce moment d’extase et tout cela en réussissant, selon la célèbre formule de Max-Pol Fouchet, parlant de Bissière, à faire :
« chanter les couleurs du monde ».
Christian Schmitt
19 février 2012.