PAPA BELNI

 

Papa Belni

Papa Belni alias Xavier Baudon, 25 ans, surprend par sa fougue et son insolente jeunesse. Avec un physique de jeune premier, cet homme sportif, vif et décidé a tout du séducteur et de l’être mature. Et pourtant il est resté encore au fond de lui-même un ado nostalgique, incapable de se séparer de son univers marqué par la trilogie « casquette-basket-skate ».

Cependant ce grand enfant dès qu’il se met à peindre nous épate par son étonnante lucidité portant un regard sans concession sur le monde qui l’entoure. Assurément ce n’est pas un doux naïf, car même s’il est un grand fan du monde de la glisse, sa peinture va au contraire au plus profond des êtres et des choses.

Peintre de la rue, Belni utilise tous les supports qu’il trouve sur place : murs, toboggans, planches de bois, palettes et travaille indifféremment à la bombe, à l’acrylique, à l’huile. Il mélange parfois tout cela pour créer un monde où les sports de la rue et l’art peuvent se conjuguer (Board Culture).

Mais c’est surtout dans ses dernières toiles en atelier que ce jeune peintre fait preuve d’une grande maîtrise et d’une vraie maturité.

Certes comme épigone de Jean-Michel Basquiat, ce jeune peintre restitue la simplicité de la représentation de ses personnages et le caractère souvent enfantin dans le rendu des motifs.

Mais par ailleurs comme sous l’effet d’une grâce particulière, Belni réussit lui-même à créer son espace personnel en structurant la surface picturale pour en faire un lieu incomparable d’où surgit une réelle émotion grâce à l’élégance et à la pureté de son travail.

Bien évidemment il le doit aussi en partie au graffiti et à un certain Dubuffet qui a su bousculer l’académisme ambiant en prônant l’idéal de l’Art Brut.

C’est pourquoi le monde de Belni c’est souvent celui où l’on rencontre des personnes qui hurlent, souffrent et se révoltent.

Elles apparaissent avec des visages peu avenants, bouches grandes ouvertes, souvent menaçantes et pourvues d’une dentition impressionnante.

Ainsi le primitivisme de sa peinture c’est la vision de ces êtres : têtes hérissées, barbares, frustres comme sortis directement des tags des murs des cités.

C’est le monde urbain, de la banlieue notamment qui offre à Belni sa sensibilité à l’art brut, à l’art primitif. Il n’a qu’à regarder le monde qu’il côtoie pour trouver les sources de son primitivisme.

Et comme un combattant, il utilise la couleur comme une arme pour convaincre le spectateur de la justesse de son message.

Souvent ce sont des couleurs vives, saturées, éclatantes et fortes comme le rouge, le vert et le jaune et parfois aussi les teintes ténébreuses qui surgissent et occupent son espace. En utilisant la couleur avec une rare liberté, il offre à la fois un chromatisme séduisant et une laideur réussie.

Mais c’est aussi un dessinateur de talent qui s’amuse à croquer ses personnages à la manière de la bande dessinée (BD) avec des grosses têtes inquiétantes mais surtout ridicules (Negro blanc, Fat, Bad trip, C’est marin, Frog Eater, Goldman, Malabar Guy, Money time, X Head…).

Sa sensibilité est très marquée par le courant néo-impressionniste mais il s’aventure aussi dans un univers qui lui est proche : son inconscient et son imaginaire à la manière des Surréalistes.

Notamment son œuvre intitulée « la toile noire » de 2010 qui plongée dans un noir profond, abyssal fait surgir des êtres fantomatiques dessinés avec des contours en blanc. Tout parait irréel avec des images qui se juxtaposent sans lien apparent entre elles : un nuage avec des gouttes de pluie, une pieuvre, un poste TV avec l’insigne du dollar, des éclairs, une figure humaine grimaçante voire en pleine détresse… ?

L’empreinte surréaliste on la retrouve également dans une toile intitulée « Me » où l’on y voit des yeux grands ouverts, dédoublés et qui nous font penser à Man Ray et à la composition du Tchèque Jundrich Styrsky.

 

Par conséquent comme les peintres surréalistes, Belni explore aussi les mondes issus de l’inconscient, le hasard voire le primaire, la folie…

Souvent cet artiste nous livre une iconographie énigmatique chargeant certains de ses tableaux d’informations mystérieuses laissant à chacun le soin de décoder. Ce faisant Belni peint une informalité calculée.

Son œuvre est aussi incantatoire, elle nous montre un monde souvent s’apparentant à l’enfer rimbaldien*, une sorte d’apocalypse.

(*en se référant à l’œuvre de A.Rimbaud « Une saison en enfer » (1873))

Un visage suffit parfois à signifier cette tristesse infinie et ce désespoir absolu : l’œuvre « Baby Cry » de 2010 nous montre un visage comme un masque en jaune, avec deux fentes à la place des yeux et d’où jaillissent des larmes de sang qui se confondent ensuite avec le fond rouge de la toile…et pour orner la scène des os humains dans la partie inférieure de la toile !

Mais au-delà, l’artiste se concentre pour nous livrer un message libérateur à travers certaines œuvres qui heurtent a priori. Plus qu’un message c’est peut-être aussi une musique (hip hop, rap…) ou une poésie qui rassemble qu’il veut véhiculer par sa peinture.

Et grâce à la puissance de son esthétique raffinée, son oeuvre acquiert une force de conviction incomparable puisqu’elle révèle la profondeur de son propre pathos.

Metz, le 25 septembre 2010.

Christian Schmitt

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