Richard TRIAN, peintre émergent

RICHARD TRIAN, PEINTRE EMERGENT

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Toile sans titre de 2013 (200 x 200 cm) avec le peintre Richard TRIAN

Article paru dans le magazine Wukali : http://magazine.wukali.com/spip.php?article879

Peintre né en 1971, ce n’est que tardivement  - vers 1995 -  qu’il trouvera sa voie au contact de l’œuvre de Pierre Soulages.

Cette révélation fut pour lui  en quelque sorte son chemin de Damas, lui qu’on voyait plutôt avec sa guitare ou son appareil photo.

Si ses premières expositions furent bien accueillies,  en réalité il ne va se découvrir réellement qu’après une lente maturation qui durera au moins dix ans. Une sorte de voyage initiatique  d’exploration qu’il effectuera  dans la voie de l’abstraction et par  l’utilisation de différents matériaux et empâtements.

Ce n’est qu’à partir de 2006 que  cet artiste va révéler toute la déhiscence de  son art grâce à des constructions encore plus élaborées et  plus sereines  selon son propre aveu.

Il intitule d’ailleurs son parcours actuel d’ « itinéraire d’un cosmopolite » parce qu’il revendique l’utilisation de  différentes techniques.

De la même façon sans être un artiste du Street Art, il  fait  toutefois référence à ce  mouvement artistique puisque ses toiles sont regroupées dans une série intitulée  « Urban Tattoo».

Approcher les œuvres récentes de Richard TRIAN c’est d’abord  éprouver une émotion intense voire violente car tout  conduit à être subjugué par leur puissance picturale.

On retrouve chez lui l’influence de  l’Action Painting passionnée de Pollock mais avec en plus les paisibles méditations de Rothko et le lyrisme puissant d’un De Kooning.

On comprend  dès lors pourquoi la peinture de cet artiste charentais si riche en couleurs soit omniprésente sur chaque toile et semble même  déborder du cadre.

En effet il ne lésine pas sur les moyens utilisant indifféremment l’acrylique, le posca et l’encre. Le résultat est fulgurant : il  crée un monde lumineux, éblouissant, fluorescent propre à séduire également les adeptes de l’art urbain.

Le tout avec une expression abstraite d’une ampleur sans égale comme un cri coagulé qui ne s’arrêterait jamais.                                                                                                                                                                                                                                                

C’est pourquoi la toile vibre, résultat d’une condensation de charges électriques. La poétique de ce peintre est  réellement énergétique.

Son oeuvre  peut être définie comme un bloc de sensations c’est-à-dire selon Gilles Deleuze et Félix Guattari  comparable à « un composé de percepts et d’affects ».

Car  toutes les grandes toiles de Richard TRIAN se présentent comme un cosmos incommensurable d’intensités et de « percepts ».

Citant également Michel Serres, on perçoit  même une vibration musicale qui viendrait sourdre cette matière pâteuse:

« L’œuvre est faite de formes, le chef-d’œuvre est fontaine informe de formes, l’œuvre se fait de temps, le chef-d’œuvre est source des temps, l’œuvre est un accord sûr, le chef-d’œuvre tremble de bruits. Qui n’entend pas ce bruit n’a jamais composé des sonates. »

Mais si la grande créativité  de cet artiste parait indéniable  on pourrait  éventuellement lui reprocher  d’en faire trop en usant de la répétition ?  Richard TRIAN est-il un peintre sériel ? (voir les trois toiles suivantes)

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« Sans titre »  97 x 130 cm 2012

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« Sans titre » 81 x 100 cm 2012

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« Sans titre » 130 x 162 cm 2013

Certes en regardant attentivement chacune de ces trois toiles, il est indéniable qu’il existe des similitudes  dans la façon d’utiliser certaines couleurs dominantes et  dans la façon d’agréger ou de structurer les formes.

Mais cette vision n’est que superficielle  et ne rend pas compte réellement  de l’originalité   et de la spécificité de chaque oeuvre.

Evidemment  on reconnaît un style commun aux trois toiles  mais chacune d’entre elles reste unique. Si la première oeuvre   présente une surface colorée très dense, l’autre est déjà moins serrée bien que toujours très étoffée et la  troisième nettement plus aérée.  En revanche avec cette dernière  on  découvre une écriture plus complexe.

De même pour les couleurs, l’artiste utilise une gamme chromatique très étendue et très variée. Les bleus sont  certes omniprésents mais on les retrouve selon chaque toile, soit comme des lignes serpentant l’œuvre ou soit comme de simples  taches. Les rouges, les roses fluo et les blancs tapissent quant à eux le fond de chaque tableau selon une intensité qui est à chaque fois différente.

Plus fondamentalement encore  l’artiste introduit un monde de différence, si bien que cette répétition « supposée » s’efface puisque « c’est (la) mêmeté qui, altérant son identité et sa singularité, en divise le sceau. » (Jacques Derrida) 

Ainsi cette impression de répétition cache peut-être aussi autre chose, pour rendre présent quelque chose d’absent ?

Et donc cette insistance de l’artiste nous conduirait à trouver une signification dans une référence externe, en dehors de l’œuvre elle-même.

A ce titre beaucoup d’artistes prestigieux ont mené une quête similaire pour rendre perceptible la différence entre l’observable et le non-observable.

Ce travail répétitif on le retrouve notamment chez Cézanne qui n’a cessé sa vie durant de peindre des séries : séries des pommes, des Sainte-Victoire et des baigneuses. Ce travail le conduisait à révéler derrière chaque motif  la réalité concrète et énigmatique et « ce parfum d’être » selon sa propre expression.

Et comme Kandinsky « Chaque forme a donc aussi un contenu intérieur.»

Ainsi la référence à la profondeur et à l’élévation serait dans  le faire de Richard TRIAN car toute son œuvre permet le développement et la croissance de l’être.

Christian Schmitt

Le 27 janvier 2013.

Site internet de Richard Trian: http://www.richardtrian.com/