ULTIMI ROBOTS d'E.PITUELLO

 

« Ultimi Robots » d’Enzo PITUELLO

Vernissage de l’exposition le jeudi 19 mai 2011 à 19h

Exposition du 20 mai au 4 juin 2011

Galerie Moretti & Moretti

6, Cour Bérard 75004 Paris

Enzo Pituello, né en 1942 à Lonca commune de la province d'Udine dans cette merveilleuse région du Frioul (Italie), a très tôt été béni par « les dieux» grâce à d’étonnantes rencontres qu’il fit dès sa prime enfance.

Ainsi lorsqu'il n'avait pas encore 8 ans, il apprit à nager dans une petite rivière proche de sa ville natale et chose étrange à la même période et au même endroit un homme d'une cinquantaine d'années s'adonnait comme lui aux mêmes joies de la baignade. Ce baigneur qui était d'origine américaine n'était autre qu'un certain Ernest Hemingway. Bien entendu cet enfant ne se rendait compte de rien et ce n’est que tardivement qu’il comprit qu’il s’agissait de ce grand écrivain américain.

Plus tard à l’âge de 18 ans, il fréquenta à Milan les plus grands peintres de cette époque en Italie, Lucio Fontana et Alberto Burri notamment.

Auprès de son maître Fontana, il découvre le cosmos en ouvrant la toile et auprès de Burri, il fait l’apprentissage de « l’esthétique du déchet » utilisant les éléments hétéroclites de la réalité quotidienne.

« C'est Fontana qui me demandait de faire une incision dans la toile. Il disait qu'il s'agissait d'une œuvre cosmique possédant une autre réalité (œuvre spatiale). Evidemment lorsque j'avais 18 ans, je ne comprenais pas encore ce que voulait dire le Maître. Il affirmait aussi qu'il ne fallait pas se fermer à la couleur et à la toile, et ne pas hésiter à utiliser tout ce qu'on avait sous la main dès qu'on avait une idée. »

En fait Fontana va développer ses idées dans un manifeste intitulé le « Manifeste blanc » dès 1946. Il préconisait la correspondance entre couleur et espace, entre lumière, le mouvement et le son. Pour réaliser son idée de faire entrer l'espace dans le tableau, Fontana va donc percer « Bucchi » ou inciser « Tagli » la toile.

Enzo Pituello reprend cette même technique de l’incision dans le triptyque exposé à la galerie Moretti&Moretti (voir ci-dessus). Le premier personnage à droite n'est pas encore incisé mais grâce à l'œil  du cyclone enveloppant son corps, l'on distingue le point précis où se réalisera l’ouverture.

Ensuite comme par effet de gradation, le deuxième personnage au milieu  voit son sternum s'ouvrir et le troisième à gauche avec une incision plus importante encore.

Mais derrière ces différentes incisions, il n'y a pas le vide mais des circuits imprimés qui apparaissent, ceux-ci devant remplacer l'homme comme gardiens de la mémoire.

Fontana n'envisageait nullement ces ouvertures dans la toile comme un acte de destruction, mais plutôt comme une sorte de libération: se libérer de la matière et du carcan de la toile pour faire place à une idée ou à une autre dimension.

L’ouverture par un trou noir ? (Beyond the Canvas, 1991, 50 x 50 cm)

En fait chez Fontana comme pour Yves Klein, c'est toujours l'idée qui prime, fidèle en cela à l'art conceptuel : l'idée étant plus importante que son exécution.

Avec Alberto Burri, son autre maître, Enzo Pituello va pouvoir s'échapper des matériaux conventionnels et utiliser vraiment tout ce qu'il a sous la main…

Aussi un certain nombre de toiles intitulées « Beyond the canvas » (au-delà de la toile) des années 1990 seront réalisées avec différents matériaux (plastic, métaux, sable, miroir…). Ce sont notamment les toiles « ouvertes » avec pour fond du plastic en forme de miroir déformé permettant à l'oeuvre de s'ouvrir aux dimensions du cosmos.

Beyond the Canvas, 1991, 50 x 50 cm

A travers ces réalisations, l'artiste retrouve la dynamique de l'espace que pourrait refuser le silence des couleurs. Ici la peinture reflète l'action de l'environnement grâce à la lumière qui se réfracte sur chaque détail du miroir. Cela va conduire à donner une vision autre, l'observateur participant chaque fois à la naissance d'une œuvre différente.

Le caractère énigmatique de la représentation est renforcé par ces images qui apparaissent. Curieusement elles font penser à celles produites par un kaléidoscope qui réfléchirait à l'infini et en couleurs, créant des combinaisons infinies.

Peut-être est-ce aussi une allusion à Schopenhauer, pour qui l'image produite par cet instrument montrerait tout simplement la forme de métempsycose qui caractérise l'histoire?

En effet selon ce philosophe, les individus meurent, mais l'espèce vit toujours. C'est une version, plutôt pessimiste, d'interpréter l'immortalité.

« L'espèce, voilà ce qui vit toujours, et, dans la conscience de l'immortalité de l'espèce et de lier identité avec elle, les individus existent confiants et joyeux. » (Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, 1818)

Mais selon Enzo Pituello, l'immortalité se concrétise déjà grâce aux différentes mémoires: mémoires ancestrales, génétiques, virtuelles, cosmiques et artificielles.

Parfois Enzo Pituello va suivre les tendances actuelles des « néo-plasticiens » pour arriver à un certain appauvrissement des matériaux, voire réaliser des œuvres très minimalistes avec un seul signe ou une seule idée. C'est le cas de l'œuvre (voir ci-dessous), où tout se résume en un fil de fer qui pénètre le support à plusieurs endroits, lacérant et perçant le fond pour ressurgir au final avec une flèche indiquant une direction.

Son travail porte en lui-même, entre signe et incision, les traces d’une écriture du temps et se rapproche aussi beaucoup des expérimentations du peintre espagnol Tapiès.

Cette « abstraction matérielle » libère l'artiste de la prédominance de la figuration. Il a besoin de toucher à des territoires plus primitifs, aux éléments les plus purs pour trouver un nouveau langage.

Et puis ce goût d'utiliser indifféremment différentes matières, est en soi un nouveau moyen d'expression, à côté de la couleur et de la forme.

Beyond the Canvas, 1991, 72,5 x 73,5 cm


La révélation: La Cène de Léonard de Vinci

 

 

En 1990, une galerie a demandé à Enzo Pituello de réaliser une copie de la Cène de Léonard de Vinci. L'oeuvre était inaccessible au grand public du fait de sa restauration.

En réalité bien avant le succès foudroyant du best-seller Da Vinci Code de Dan Brown, Pituello a compris tout l’intérêt symbolique de cette œuvre. Mais selon lui elle ne s’inscrit nullement dans une intrigue politico-ésotérique à la manière de cet écrivain américain qui n’a fait que parodier le travail de Léonard.

Dans un premier temps Enzo s’est laissé imprégner par cette magistrale leçon que donne le maître Léonard, en mettant en valeur la beauté profonde de la Cène. Son travail, au-delà d’une simple copie, va permettre de restituer la splendeur autant interne qu’externe de l’œuvre.

Il a compris que Léonard de Vinci l’invitait à un voyage. Cette œuvre peinte sur le mur nord du réfectoire du couvent des Dominicains de Santa Maria delle Grazie de Milan est d’abord et avant tout un « traité de ravissement » selon les termes mêmes employés par Baudelaire.

Par la suite ce même poète expliquait notamment au contact de l’œuvre qu’ « il vous semble qu’une atmosphère magique a marché vers vous et vous enveloppe… ».

Le Christ, bras écartés, qui est au centre de la composition, vers qui tout converge et tout part de lui, est la clé de compréhension de l’œuvre.

Sa parole provoque le mouvement chez les apôtres et selon les propres mots de Léonard : « du mouvement naît la force…une vertu spirituelle ».

Profitant déjà de l’enseignement de Fontana qui avait amené E.Pituello à regarder au-delà de la toile, Léonard de Vinci va provoquer chez lui un autre choc par ce désir de retrouver cette énergie, ce mouvement qui est à la base de tout.

« Mon art veut s’inscrire dans le cosmos, j’ai la volonté de rejoindre l’énergie. On vient des étoiles, une mémoire s’est solidifiée et j’ai le désir de retourner dans le cosmos : idée de voler, parce que je sais que je viens de là-bas… comme une poussière d’étoiles et je dois y aller plus vite que la vitesse de la lumière sinon je n'aurais pas le temps de revenir.........cette vitesse est celle de la pensée qui permet d'aller partout dans le cosmos, en ayant le temps nécessaire de pouvoir revenir sur terre dans le temps des humains ». 

Toute son aventure artistique devient donc un voyage dans le cosmos.

Et parmi ses créations qui semblent venir  d’ailleurs ce sont notamment ces robots fabriqués en plexiglass intégrant des matériaux de récupération de circuits imprimés. Ceux-ci ressemblent étrangement à des sculptures totémiques voire à des momies, certains avec des cornes et d’autres avec des faces ressemblant à des masques africains ou Incas. Fiers, hiératiques, ces robots intriguent mais séduisent avant tout grâce à leur beauté captivante et mystérieuse.

L’artiste créa cette armée de robots, en souvenir, dit-il, des Celtes, car il y a dans notre mémoire collective toujours l’image du guerrier celte.

Cependant loin d’être menaçants pour l’homme, ces robots à l’instar de l’ordinateur HAL 9000 du film « 2001, l’Odyssée de l’Espace » de S.Kubrick, sont en réalité de « bons » gardiens, ils vérifient que les circuits imprimés sont utilisés à bon escient, qu'ils vont dans la bonne direction et oeuvrent pour le bien commun.

D’où toujours la présence de cette flèche directionnelle que l’on retrouve dans beaucoup d’œuvres de l’artiste.

Et ils ne ressemblent pas à ces sculptures-squelettes en mouvement de Giacometti, qui terrifient et inspirent de l’effroi.

Pourtant  de manière tout à fait surprenante, Enzo,  comme ce génial Giacometti,  les a aussi en quelque sorte métaphorés en puissance divine dans sa quête d’absolu. C’est pourquoi ces robots fascinent par leur étrange beauté et donnent une dimension proprement « hallucinante » et « transcendantale » à cette exposition.

A travers le cosmos, Enzo Pituello se découvre également lui-même et le monde dans lequel il vit.

Certes notre monde industrialisé et technologique prend la forme d’un laboratoire où l’homme risque de devenir aussi lui-même un robot ou un clone.

Mais à l’opposé d’un Matta qui est un peintre critique et pessimiste sur le devenir de l’humanité, Enzo Pituello lui par contre garde espoir. Instinctivement, grâce peut-être à cette mémoire génétique et ancestrale, il croit à une forme de dépassement et d’absolu qui sauvera l’homme.

 

Christian Schmitt, le 14 mai 2011.

http://www.facebook.com/sharer.php?u=Partager