Interview de Yaze le 17 janvier 2019
(à voir également mon article sur son travail :http://lenouveaucenacle.fr/yaze-fait-chanter-les-couleurs-du-monde )
Christian Schmitt (C.S.)
Bonjour Yaze, très heureux de te revoir ici dans ton atelier du 10 °, pour parler de toi bien sûr et surtout de ton oeuvre et de tes dernières créations.
Pour te présenter, au préalable quelques mots rapides sur ta biographie.
Tu es né en 1979 à Lyon et tu as bénéficié aussi de l’enseignement des Beaux-Arts?
Yaze (Y) : Je ne suis pas allé aux Beaux Arts mais j’étais dans le bain des personnes qui étaient aux Beaux Arts. J’étais une espèce d’électron libre qui avait un atelier à côté. Je n’ai pas réussi le concours des Beaux Arts.
C.S. : Ton premier geste pictural, a été dans le milieu urbain ?
Y: Par le tag, par la répétition de mon nom de cet espèce de mouvement qui était la recherche de la lettre et puis par le spray, tout ce qui était imaginable comme projection.
C.S.: Essentiellement artiste urbain ?
Y: Jusqu’au jour où j’ai commencé à travailler dans un atelier vers 17 ans. C’est là que j’ai commencé à peindre et à être moins actif dans la rue.
J’avais un atelier sous la main mais je reconnaissais aussi que le graffiti m’avait construit en tant qu’artiste. J’ai pris l’habitude des grands formats comme ceux de la rue.
C.S. : Tu as débuté quand à Paris ?
Y: Je me suis installé à Paris en 2004, mon premier atelier a été à la porte de St Ouen et ensuite j’ai eu en tout 7 ateliers, jusqu’à celui que j’occupe actuellement.
C.S. : Tes premières oeuvres où l’on voit émerger le visage ?
Y: Effectivement, la figuration prédomine avec l’émergence du visage. C’était un prétexte pour la peinture. Retrouver un visage dans mes compositions. C’était, après le déchaînement des lettres qu’il est apparu tout d’un coup. En transposant le tag dans l’atelier, ce n’est plus des lettres mais des visages et des personnages.
Tous ces déchaînements de formes et de lignes donnent naissance à un portrait.
C.S.: Mais ensuite on voit moins un visage dans tes différents travaux ultérieurs ?
Y: Actuellement, le visage est moins visible mais reste encore présent comme une partie invisible.
La peinture appartient à celui qui la regarde réellement.
Je laisse toujours le moyen à la personne de s’approprier le tableau.
C.S : Et ensuite tu as découvert la broderie ?
Y: Le déclic a eu lieu en 2009. Je n’ai même pas pensé à la broderie, c’est la broderie qui est venue à moi.
Au moment, où je venais de perdre ma mère, le lien s’est établi avec les brodeuses au Maroc.
Ma mère est partie et ces femmes ont retenu la main à travers ce fil, c’est vraiment le fil de vie !
Ce sont des brodeuses du village dénommé Tameshlot. Le tissu de l’une de mes toiles n’étant suffisamment large. Et par conséquent pour relier les deux pans du tissu, j’avais sollicité les brodeuses.
Sur toute la ligne de couture, il y avait une ligne de broderie offerte par ces femmes. D’où je n’ai pas eu le choix de l’incorporer dans mon oeuvre.
J’ai compris grâce à elles que chez moi tout part d’une composition jetée, par une tache.
Et cette tache qui allait m’amener à un portrait, vers un monde intérieur. Et c’est cette tache que je leur ai confié. Ce sont elles qui vont broder ensuite cette tache d’encre.
C.S. : Derrière tout cela, il y aussi un discours étonnant ?
Y: Oui, j’ai découvert le cantique des oiseaux, une philosophie particulière, le soufisme !
Un jour, j’ai compris qu’on était dans une migration, dans un voyage intérieur.
Là, cela devient alors un recueil de poèmes plus complexes. Cette histoire me parle comme ces oiseaux d’un voyage intérieur.
Suivant la Huppe qui est le guide, la conscience, 30 oiseaux décident de rencontrer le Phénix qui les conduit ensemble dans un voyage extraordinaire.
On parle des oiseaux pour parler en fait des hommes. Moi-même, je ne tenais plus en place. J’étais à Marrakech et il a fallu penser à une autre destination vers la région la plus éloignée, d’où l’idée d’aller visiter l’Inde et travailler le même tissu avec deux continents totalement différents.
Et actuellement mon travail avec la broderie indienne à Pondicherry.