JEAN FAUCHEUR, l'un des pionniers de l'art urbain en France

Jean FAUCHEUR, l'un des pionniers de l'art urbain en France.

 

« Entré un peu par hasard aux Arts Déco de Paris en 1976, ne songeant nullement à une carrière artistique, c’est en réalité ma future épouse qui ayant remarqué mes dispositions pour le dessin m’avait incité à m’y inscrire.

A la fin de mes études, mon choix s’est plutôt porté sur la section « art mural » car je ne me voyais pas comme un artiste plasticien.

Ensuite j’ai commencé à gagner ma vie en réalisant des décors pour des restaurants.

En réalité je ressentais toujours une certaine difficulté à entrer dans le milieu artistique contemporain.

Certes, il y avait la Figuration Libre (Di Rosa), des gens qui travaillaient à l’instinct, de la BD, … : mais cette direction m’intéressait sans plus.

A l’époque je travaillais beaucoup mais ne pouvais montrer aucune de mes œuvres et donc pas de galerie.

Le milieu de l’art ne me satisfaisait pas beaucoup.

En revanche  dans les années 80, les gens qui montraient leur travail dans la rue éveillaient en moi un réel intérêt.

L’idée de créer quelque chose qui allait se détruire et donc qu’il fallait recommencer me captivait vraiment : la peinture sur des panneaux d’affichage et aussi l’idée de changer de techniques.

Par ailleurs le fait de conserver à tout prix une œuvre d’art a toujours représenté, selon moi, une perversion du milieu. A côté de cela la rue possède la dimension de l’énergie et une certaine générosité pour le public.

Gérard Zlotykamien, ami d’Yves Klein fut le premier en France dans les années 1960 qui développera cette énergie-là. J’avais besoin de cette même vitalité pour insuffler ma propre démarche urbaine. Parallèlement j’éprouvais aussi beaucoup de déception suite aux préjugés et aux regards dédaigneux qu’entretenaient certains à l’égard de l’art urbain.

Un exemple que je donne : en 1984, j’ai été un des fondateurs du groupe « les Frères Ripoulin », très actif mais en termes de galerie et de reconnaissance artistique, cela avait été le « 0 » pointé.

Certes par la suite certains de ce groupe sont devenus des figures de l’art contemporain. Mais bien souvent ils ont dû effacer de leur CV toute référence à l’art urbain. La plupart ont eu des parcours chaotiques n’étant soutenu par aucune galerie, ni par aucune structure et cela a été aussi le cas pour des artistes de la trempe de Speedy Graphito.

En 1984, j’ai été invité par la galerie Tony Shafrazi à New-York. J’y ai rencontré Keith Haring qui était vraiment quelqu’un de génial et d’une grande générosité.

Le questionnement de Shafrazi était de raccrocher l’histoire et l’art.

Or, le courant issu des situationnistes qui était plutôt européen voulait sortir l’art des galeries, des musées…pour l’installer dans la rue. A l’évidence le milieu du graffiti reste très jaloux de son indépendance et parfois un peu sectaire.

Mais les pratiques artistiques comme le graffiti ou le hip hop restent des pratiques issues de la culture urbaine. Cette énergie développée par elles ne peut l’être que grâce à une pratique de la rue et par des réalisations éphémères.

C’est pourquoi, j’ai repris en 2002 mes activités en milieu urbain à travers la création d’un collectif d’artistes urbains dénommé « Une nuit ». Ensuite en 2003 par la création d’une association le « M.U.R. » qui permet la réalisation d’une peinture sur un format de 3 m par 8 m et renouvelé tous les 15 jours sur un panneau situé à l’angle de la rue St Maur et de la rue Oberkampf.

Grâce au M.U.R. on pouvait proposer des expos sur le thème de l’éphémère et éviter aussi que les graffeurs se fassent arrêtés. »

(Propos recueillis  par Christian Schmitt le 20 mai 2011.) 

Collage de Jean Faucheur dans le cadre du collectif « Une nuit » le vendredi 20 mai 2005

Un livre intitulé « Jusque là tout va bien ! » (Critères Editions) est le premier livre d’ampleur consacré à l’œuvre de Jean Faucheur.

C’est un artiste complet, embrassant des domaines souvent différents. Actuellement, il travaille principalement dans quatre directions :

- La peinture à l’aérosol

- La sculpture

- La photographie

- La vidéo

Mais ce qui le préoccupe en permanence c’est toujours sa passion pour la figure humaine, le portrait. Selon lui, à travers le visage, se focalisent les grandes questions et tout le mystère de la nature humaine. Il précise cependant que ce n’est pas le sujet qui est important en soi mais le support.

Etre complexe, quelquefois énigmatique, souvent surprenant, Jean Faucheur est un artiste authentique, un chercheur infatigable en quête de la vérité en l’art. Assurément il ne cherche pas à plaire.

C’est pourquoi, il peut dérouter certains par les directions multiples que prend son cheminement artistique.

Il est toujours en route, ne cessant d’investir de nouveaux champs d’exploration.

A l’image de son collage réalisé dans le cadre du collectif « Une nuit » (voir ci-dessus), Jean Faucheur instille la force de l’énergie à travers ce mouvement. Celui-ci initié par un tourbillon comme un siphon qui aspire toutes les particules rougeoyantes vers une direction inconnue.

Ce feu circulaire révèle toute l’énergie qui l’anime. Elle est force mais aussi grâce, comme un don qu’il a su capter, recevoir et domestiquer pour ensuite nous le communiquer par ses œuvres.

Mais toujours sans aucune agressivité ni réelle violence car il se sert de la couleur avec autant de retenue que de délicatesse.

A l’évidence un artiste qui possède une sensibilité lyrique et une grande maîtrise de soi.

Christian Schmitt, le 15 juin 2011.

 

 

Entrée des Ateliers d'artistes (non loin de la station Belleville) où travaille Jean Faucheur 

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