Hommage à Cocteau d'Olivier D'Alessandro
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Hommage à Jean Cocteau par la Maison Olivier D’Alessandro
le samedi 2 décembre- 15 h
« Située au 88 en Fournirue à Metz, à mi-chemin entre la cathédrale Saint-Etienne et l’église Saint-Maximin, la maison de décoration Olivier D’Alessandro participe à l’hommage rendu par la Ville de Metz à Jean Cocteau, artiste dont le génie s’exerçait sous de nombreuses facettes : poète, cinéaste, céramiste, dessinateur, … il entretenait également une relation intense avec le monde de la décoration.
Clin d’œil à son travail de décorateur lorsqu’il tatouait les murs de villas devenues mythiques, la maison de décoration Olivier D’Alessandro a revêtu ses murs d’une collection de papiers peints créés par Lelièvre Paris en association avec le Comité Jean Cocteau et les ateliers Madeline Jolly, tous imaginés à partir d’œuvres originales emblématiques de l’artiste.
Elle invite le critique d’art et commissaire de l’exposition Jean Cocteau à Metz, Mr Christian Schmitt, à vous faire découvrir l’univers poétique de l’artiste à l’occasion d’une conférence qui se tiendra le samedi 2 décembre à 15 heures. »
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L'année 2023 s'affirme comme l'année dédiée à Jean Cocteau. Or, nulle part ailleurs cela n'est célébré avec autant d'éclat qu'à Metz, où l'on commémore avec une ferveur particulière le soixantième anniversaire de la disparition du poète, survenue le 11 octobre 1963.
La singularité de cet événement réside également dans la diversité des lieux de commémoration, avec trois sites dédiés au poète à Metz :
Tout d'abord, la cathédrale Saint-Étienne de Metz, bien que de manière temporaire (du 23 septembre au 29 octobre 2023).
Puis, la Porte des Allemands, qui se distingue par ses deux magnifiques salles d'exposition accueillant la grande exposition officielle "Jean Cocteau et Metz, sa ville d'éternité" du 11 octobre 2023 à la fin janvier 2024.
Enfin, l'église Saint-Maximin, située rue Mazelle, qui expose fièrement les 24 vitraux de Cocteau.
À cette liste prestigieuse, s'ajoute désormais un quatrième lieu inédit, à savoir la boutique de la Maison de Décoration Olivier D'Alessandro, établie au 88, en Fournirue. En effet, cet espace dédié célèbre l'univers poétique de Cocteau à travers sa collection exceptionnelle de papiers peints Lelièvre qui habillent la plupart des murs du magasin.
En reprenant les motifs des œuvres graphiques et picturales de Cocteau, l'atmosphère de la boutique nous transporte littéralement dans l'univers poétique et onirique de cet artiste.
Artiste aux talents multiples, Jean Cocteau continue indéniablement de nous émerveiller par sa polyvalence artistique, excellant avec brio dans quasiment tous les domaines créatifs imaginables.
Que ce soit en tant qu'écrivain, poète, romancier, dramaturge, cinéaste, dessinateur, peintre, ou même créateur de vitraux dans l'église Saint-Maximin de Metz, chaque facette de son art semble être une nouvelle manière pour lui de transcender les limites des arts et des lieux par son imagination inépuisable.
Dès ses débuts dans le dessin, Cocteau affirmait : « Écrire, pour moi, c'est dessiner, nouer les lignes de telle sorte qu'elles se fassent écriture, ou les dénouer de telle sorte que l'écriture devienne dessin. »
Les papiers peints "Écriture" illustrent parfaitement cette osmose entre l'écriture et le dessin, révélant des phrases évocatrices telles que « Nul mieux que lui n’a métamorphosé l’écriture en dessin » ou « métamorphosé la peinture en langage ».
Cocteau revendique la conjonction des arts, une idée déjà explorée par Apollinaire.
Pour lui, l'art graphique et l’art plastique sont toujours une continuité de la poétique, partageant la même force de l'inconscient qui l'incite à écrire et à dessiner.
L'utilisation de l'image et de l'imagination lui permet de révéler le mystère de l'invisible caché derrière les apparences quotidiennes, déclarant : « Toute ma vie est là : je décalque l’invisible ! »
I) Analysons d’abord les principales caractéristiques de son art graphique.
L’automatisme qui libère les forces créatrices avec le trait tremblé !
« (Cocteau) rêve en même temps qu’il voit flottant entre la conscience claire et l’inconscience (...). De là ce tremblé de la main, de la ligne (...) » selon Paul Fierens
a) le trait tremblé:
Ainsi avant même les Surréalistes, Cocteau expérimente le dessin automatique, où sa main semble évoluer au-delà de sa volonté consciente.
Le tremblement subtil dans ses traits, comme le décrit Paul Fierens en 1923, témoigne de cette danse entre la clarté consciente et l’inconscience.
Ce tremblement caractéristique est manifeste dans les papiers peints "Ressemblance", où les visages s'agitent dans une folle effervescence grâce au trait appuyé.
De même les papiers peints "Tête-à-Tête" attestent de ce même phénomène, avec des lignes ondoyantes évoquant les cheveux des deux personnages en tête-à-tête.
La ligne échappe à la volonté consciente du poète et se libère comme dans un rêve pour se mouvoir sans se soucier de l’artiste car c’est le résultat, selon lui « des noces du conscient et de l’inconscience ».
Les explorations de Cocteau dans les zones obscures de la psyché se traduisent toujours par des thèmes poétiques, comme celui de l'ange, omniprésent dans ses œuvres poétiques, théâtrales et cinématographiques.
Voir ci-dessous les papier peint « figure de l’ange »:
b) souvent il s’agira toujours d’une évocation mystique, mythologique comme cette narration pictographique du papier peint « Joyaux »
A la frontière de la narration, on se rapproche avec ces dessins isolés et comme éparpillés d’une forme poétique comme l’haïku, le poème japonais.
Une juxtaposition d’images virtuelles laissant au visiteur le soin de les relier lui-même entre elles pour donner lieu à une évocation personnelle.
II) La peinture du poète:
a) Ses préoccupations géométriques issues du cubisme:
Quant à sa peinture, Cocteau intègre des éléments géométriques issus du cubisme, utilisant des formes triangulaires (triangles et trapèzes) dans la série de papiers peints "Email".
La présence constante du noir dans ses œuvres, y compris dans ce papier peint, démontre son utilisation stratégique de cette couleur pour accentuer les formes et les tons, percevant le noir comme une valeur de pureté, une expression noble et pure qu'il exploitera remarquablement au cinéma.
b) mais en fait un cubisme qui est toujours à la source du surréalisme:
Son cubisme, toujours teinté de surréalisme, traduit une poésie qui évoque un monde nouveau imaginé par l'artiste.
La représentation d'un personnage à trois faces dans le papier peint "Email" rappelle l'idole aux multiples visages dans son dernier film, "Le Testament d’Orphée".
Cette représentation d’un personnage aux trois faces fait référence aux personnages de la mythologie qu’affectionne tout particulièrement Cocteau. Cela traduit aussi le travail de métaphores plastiques c’est-à-dire que la métaphore du poète au lieu d’être écrite devient alors visuelle grâce au dessin ou la peinture.
Cocteau , comme peintre cubiste ou surréaliste se dégage lui aussi de tout souci esthétique. Il ne cherche pas à créer du beau.
Au contraire, son souci premier est de traduire des sensations, des sentiments intérieurs, les productions fantastiques de l’inconscient comme cette tête à trois faces.
c) la plasticité de l’oeil:
L'œil occupe une place centrale dans ses représentations, symbolisant sa préférence pour le visuel.
Cocteau considère l'œil comme l'organe des sens privilégié, soulignant son rôle dans l'observation du monde extérieur et la dénonciation du monde intérieur.
Des yeux émergent même dans les représentations totémiques à l'église Saint-Maximin et dans ses œuvres cinématographiques, soulignant le thème du voyeurisme et la quête des paradis interdits.
Mais toujours dans cette même représentation du personnage à trois faces, l’on peut remarquer que l’oeil tient une place importante, un élément dominant et central.
Jean Cocteau est avant tout un visuel. L’oeil reste pour lui l’organe des sens privilégié.
L’artiste-poète explique l’oeil (l) ‘attire à plus d’un titre. D’abord parce qu’il (lui) sert à observer le monde extérieur, ensuite parce qu’il dénonce le monde intérieur (…)
Dans le papier peint « Joyaux » ou celui intitulé « Poterie » , le regard et l’oeil tiennent une place importante.
On peut y voir notamment des yeux sous forme de poissons.
Dans son dernier film Le Testament d’Orphée, le poète se présente lui-même avec les yeux de l’initié extrêmement agrandis et croise Oedipe devenu aveugle.
L’analogie de l’oeil et du poisson rappelle vraisemblablement l’art surréaliste.
Chez Max Ernst, on découvre également une même importance accordée à l’oeil et aussi chez Masson dans son dessin de 1936 Métamorphose burlesque où là encore nous sommes en présence d’yeux et de poissons qui semblent nager et se laisser porter par les courants marins.
Conclusion
Ainsi grâce à ces papiers peints qui habillent les murs de cette boutique d’Olivier D’Alessandro, nous sommes constamment plongés dans l’univers graphique et plastique de Jean Cocteau, celui-ci étant , comme nous l’avons expliqué, inséparable de son oeuvre poétique.
Car Cocteau est resté avant tout un poète et il le revendique souvent bien fort.
Aussi à ces détracteurs qui l’accusaient d’être un touche-à-tout, il répondait parfois avec beaucoup d’ironie et d’humour :
« On me reproche de sauter dans mon arbre, mais je le fais toujours de branche en branche » soulignant en se comparant à un acrobate ou à un singe , qu’il ne se séparait jamais en vérité de son seul violon d ’ingres, la poésie, celle-i étant devenue métaphoriquement son arbre de vie.
Metz, le samedi 2 décembre 2023
Christian Schmitt