L'art prophétique de YAZE

 

Exposition du 16 mars au 7 mai 2011

Galerie Suzanne Tarasieve

LOFT 19

Passage de l'Atlas

5, Villa Marcel Lods

75019 Paris

L’art prophétique de Yaze.

                                 http://espacetrevisse.e-monsite.com/pages/expositions/yaze-oeuvres-recentes.html  

Par sa série de douze toiles, Yaze nous offre à voir la quintessence de son travail le plus récent.

LYFE signifie sans conteste une transition, un tournant dans son art vers des formes plus apaisées. Par contre  les couleurs apparaissent quant à elles  encore plus toniques et plus éclatantes.

L’artiste atteint ici un état de grâce, de plénitude pourrait-on dire !

Est-ce le résultat de ces broderies marouflées sur toiles avec les encres, marqueurs et pastels ?

Il a eu besoin de ce retour aux racines de la culture arabe, la sienne, avec ses traditions ancestrales du travail de la broderie pour réaliser une sorte d’inculturation.

Ce télescopage entre la tradition de l’Afrique du Nord et le monde de la modernité occidentale est au cœur de nos débats actuels. Tel Orphée, le peintre réussit par son art ce rôle de passeur d'un monde à un autre  le conduisant parfois à adoucir une  certaine violence: sa fureur et sa rage de peindre.

Un tel miracle d’harmonie et d’apaisement ne signifie nullement absence de spontanéité. Bien au contraire  puisqu'on est pris totalement  dans la tourmente de son jeu créatif. Son ivresse colorée éclate de partout d’autant plus qu’il expose ses œuvres dans une salle de conception plutôt  épurée et minimaliste

Le miracle a donc eu lieu : les couleurs hurlent et chantent grâce à un jeu harmonique ahurissant. Certes les rouges et les noirs sont toujours présents pour affirmer ce besoin d’impulser un mouvement. Mais   les tons s’adoucissent comme par magie  par la présence des ocres enchanteresses. Il y a également toute la somptuosité des rouges qui se déclinent en nuances infinies au-delà du rose et  du  violet. Et même de temps à autre ce mauve velouté qui réussit des percées remarquées.

Heureusement les broderies ne permettent pas toujours de calmer cette violence et cette fureur du pinceau qui se laisse facilement entraîner dans des rythmes endiablés.

Yaze est aussi dans la lignée des créateurs du siècle dernier. Même s’il vient d’une sensibilité issue du Street-Art et du graffiti, il est aussi proche de certains peintres du mouvement Cobra.

Ainsi Jorn, Pedersen, Heerup n’avaient pas hésité à puiser dans l’art des Vikings et du Moyen-Age nordique.

Pour Yaze ce sont les terres du Maghreb qui l’inspirent et c’est pourquoi les formes qu’il propose sont le fruit d’une dialectique de la mémoire et de l’imagination.

Certes on a l’impression que Yaze s’amuse comme un enfant sur un espace de jeux que constitue la toile, ce lieu magique du peintre.

Mais au-delà de cette réalité ludique, il y aussi des forces qui se matérialisent et c’est pourquoi le peintre exprime l’homme.

A chaque coup de pinceau, le peintre découvre sa propre nature, la sienne mais aussi la nôtre. Il est pour ainsi dire le chaman de nos sociétés actuelles. 

La main de l’homme est aussi importante dans ces tableaux. Celle bien entendu du peintre mais aussi des brodeuses : « Plus la main de l’artiste sera dans tout l’ouvrage apparente et plus émouvant, plus humain, plus parlant il sera » disait notamment Bachelard. Et ce même philosophe insistait également sur la nécessité de « sentir l’homme et les faiblesses et maladresses de l’homme dans tous les détails du tableau. »

Par ailleurs dans certains tableaux n’apparaissent pratiquement que les formes brodées, l’artiste ne semblant accompagner le travail de l’artisan uniquement par quelques touches de couleur.

En fait au-delà d’une simple technique, Yaze a voulu privilégier la broderie dans un but autre qui est celui d’une symbolique.

Ces fils qui se relient et tissent comme une toile d’araignée possèdent une fonction magique et religieuse indéniable. Ils évoquent les « liens » dont parle Mircéa Eliade. Tout cela signifie également la destinée humaine, comme « le fil de la vie ».

L’auteur du Sacré et du Profane y voit davantage encore : le cosmos, qui serait, selon lui, comme un tissu, un énorme « réseau ».

Selon la spéculation indienne notamment : « […] il résulte de là qu’un symbolisme assez touffu exprime deux choses essentielles : d’une part, que, dans le Cosmos aussi bien que dans la vie humaine, tout est lié à tout par une texture invisible, et d’autre part, que certaines divinités sont les maîtresses de ces « fils » qui, en dernière instance, constituent un vaste « liage » cosmique » (Mircéa Eliade, Le sacré et le profane)

C’est pourquoi l’œuvre d’un grand peintre (Yaze en est un assurément !) n’est jamais anecdotique ou superficielle, elle va au fond des choses et de l’être…elle est nécessairement ontologique.

Selon André Parinaud et Michel Ragon : « l’art n’a que faire des hommes de discours, l’art est le « faire », il est « germe », il est résistance, il est clairvoyance, il est prophétie »

Christian Schmitt, Metz le 18 mars 2011.

 

 

 

 

Yaze et Christian Schmitt