TANC à NY
TANC expose à NY jusqu'au 2 juillet 2013
Solo Exhibition by TANC (Exhibition 7 June-2 July, 2013)
Catherine Ahnell Gallery freerunning art corp, 66 Grand Street #1, NY-SoHo
(article paru dans le Nouveau Cénacle "Tanc et son graff musical" :
http://lenouveaucenacle.fr/tanc-et-son-graff-musical )
L’œuvre de TANC fait penser à la phrase de Jean Tardieu à propos d’un titre d’une création de Pierre Alechinsky : « Le Jardin fragile » :
« Les hommes cherchent la lumière
Dans un jardin fragile
Où frissonnent les couleurs ».
Effectivement Tanc n’a cessé de cultiver son « jardin fragile » à la fois par l’écriture et la peinture. Il a cherché délibérément la lumière aussi bien dans la tradition orientale que dans l’art urbain. Toujours prêt à utiliser des couleurs fraîches et joyeuses à côté de la mutité du noir et du blanc.
Bref cet artiste maintient dans son œuvre tous les termes d’un dialogue. Artiste polyvalent, né en 1979, il a beaucoup voyagé depuis son insertion en 1996 dans la famille du graff. Apposant sa signature sur les murs des plus grandes villes de la planète, comme pour authentifier l’annonce d’une Bonne Nouvelle, car dit-il « Le graff doit voyager pour être vu ».
Poursuivant son élan – c’est-à-dire son projet d’écriture – notamment dans ses œuvres les plus récentes. Elles seront exposées à New York le 6 juin 2013 et vont étonner plus d’un.
Le peintre s’essaye d’abord par des formes circulaires qu’il affectionne particulièrement et qu’il dénomme « Circles ». Tanc court la toile et se libère grâce aux bombes aérosol.
Chacune de ces toiles laisse affleurer les reflets d’une profondeur. Zigzag incessant de traits furtifs donnant parfois le tournis et laissant couler une matière d’apparence sanguinolente.
Le peintre met à jour des pulsions dangereusement actives. En s’inscrivant sur la toile, celles-ci rendent compte d’un monde qui s’ébranle pour nous ramener à notre origine, à celle des débuts de la vie et de notre propre vie.
A côté de la beauté naturelle restituée par la fraîcheur des couleurs vives, éclatantes voire irréelles apparait également le côté dramatique. Les traces de sang nous révèlent quelque part le tragique de notre existence.
Le peintre ne tient ici ni un discours scientifique ni d’ordre moral mais permet par l’image une connaissance grâce à l’illumination et l’embrasement.
C’est un savoir de l’invisible révélé par son pouvoir iconographique.
Tel un chaman, le peintre transmet un savoir par les ondes frissonnantes de sa peinture.
Mais cet artiste possède aussi le don de décoder et de révéler d’autres mystères.
Ainsi dans d’autres créations surgissent des textes qui s’alignent, illisibles comme l’écriture des palimpsestes.
La surface picturale de la toile semble animée d’une vie agitée (voir photo ci-dessous).
L’effet de fourmillement domine comme un état de crise. Des signes bougent et apparaissent fulgurants et des formes chaotiques semblent vouées à la catastrophe.
Pourtant derrière tout cela il y a un désir évident d’équilibre.
La joie est restituée par le noir et le blanc qui s’interpellent tout en permettant un subtil équilibre polyphonique.
L’artiste utilise un vocabulaire personnel qui permet de donner une forme émancipée à sa propre écriture, suivant en cela Henri Michaux :
« Trouver, pour [se] retrouver [son] propre bien possédé sans le savoir. »
Une écriture griffée qui est mue par le rythme. On est très proche d’une partition musicale.
Tanc, ne l’oublions pas, est aussi compositeur de musique électronique d’où ce déluge de notes sonores qu’il déverse sur sa toile !
Une improvisation émanant d’un calligraphe oriental et d’un DJ européen. L’un et l’autre sont inséparables.
Mais parfois sa musique devient pratiquement inaudible comme cette œuvre ci-dessous.
Cet assemblage de feuilles de papier qui ressemble à des nappes colorées, pixellisées en noir et blanc à la bombe aérosol fait penser au travail de Sol LeWitt et notamment à ses célèbres Wall Drawing.
Cet artiste américain d’art conceptuel définissait lui-même son œuvre comme « muette au sens qu’elle ne vous « parle pas », mais elle est néanmoins subversive en ce sens qu’elle indique la fin de toutes les valeurs de la Renaissance. Elle est contre le confort de l’expérience esthétique […].
Et plus encore, il affirmait également : « L’art d’autrefois cherchait à rendre visible (concret) le non-visible (les mathématiques). L’invisibilité est un élément. […] Cet art particulier traite de la surface de la matière et en est le « cœur ». Il n’a aucun lien avec la vie, il n’est pas spontané, il est exclusif. […]. Il nie tout ce qu’il affirme. […] L’art n’est, tout simplement, Rien. » (Sol LeWitt, Arts Magazine, vol. 40, N°8, juin 1966, p.32-35)
Le travail de Tanc conduit à cette même forme de radicalité comme l’aboutissement ou la quintessence de toutes ses réalisations antérieures qui reposaient alors sur la couleur, la calligraphie et la typographie.
Et Il est également très proche de l’œuvre de Dan Van Severen très épurée et minimaliste. Indéniablement il existe une force énergétique commune à ses deux créateurs.
Comme le formulait Patricia De Martelaere toujours parlant de Van Severen :
« Dans l’art, la place centrale est occupée par ce qui occupe la place centrale dans la réalité entière : ni l’émotion ni la signification, mais tout simplement la force ».
Tanc termine son projet d’écriture « sonore » par une œuvre qui se présente avant tout comme une poétique qui se veut énergétique.
Et donc ni émotion, ni signification, seule compte en définitive la puissance de cette œuvre !