KIM EN JOONG, la lumiere

Kim En Joong 

Ebloui de lumière

 

( voir également  le commentaire d'une oeuvre de Kim En Joong: http://espacetrevisse.e-monsite.com/pages/mes-travaux-personnels-notes-etudes/tableau-1998-kim-en-joong.html)

Auteur d’une œuvre reconnue dans le monde entier, l’artiste s’interroge sur le mystère de la lumière. Ses vitraux abstraits s’inscrivent dans de hauts lieux de la tradition chrétienne.

 

" Je reste marqué par la lumière de mon enfance. Malgré la pauvreté des campagnes coréennes des années 1950, la beauté de la lumière du soleil, des étoiles et de la lune m’a saisi.

Ma première fascination pour la lumière naturelle remonte à un cours de sciences auquel j’assistais, assis en tailleur avec une cinquantaine de garçons. Soudain, le maître a fait se décomposer le spectre lumineux sur le sol, au milieu de nous. J’avais les yeux tout éblouis ! 

Mais c’est dès l’âge de 4 ans que, un soir, dans la rizière, j’ai perçu une lumière plus bouleversante encore. Entre deux nuages s’était glissé un rayon du soleil couchant sur la surface cuivrée de l’eau. Je suis resté immobilisé un instant, comme hypnotisé. 

Cet épisode d’éblouissement intérieur est resté gravé dans ma mémoire. Peut-être était-ce là un signe prémonitoire de ma vocation de peintre et de prêtre pour rendre témoignage à la lumière. A partir de ce moment a commencé mon questionnement sur l’origine de la lumière. Il m’a mené jusqu’à mes travaux actuels sur le vitrail.

Aujourd’hui, à des milliers de kilomètres de mon pays natal, je ressens comme un accomplissement de ma perception de la lumière à la fois naturelle et intérieure. Je me lève souvent la nuit, vers 2 ou 3 heures du matin, et je reste à regarder la lune, à écouter le silence. 

C’est alors une autre lumière qui vit en moi. Je me sens en présence de Quelqu’un. Une maxime chinoise dit : « Si tu bois l’eau, n’oublies pas où est la source ». 

Au XIII° siècle, saint Bonaventure affirmait que la lumière vient de Dieu et que les couleurs viennent de la lumière. Elles rendent hommage à leur origine qu’est la lumière divine, de la même manière que les hommes rendent hommage à leur origine, qui est Dieu. 

J’ai vécu une autre expérience fondatrice à la cathédrale de Chartres, il y a plus de trente ans, alors que j’étais encore novice dominicain. Lorsque je pénétrai à l’intérieur de la nef pour la première fois, je fus ébloui. Il me semblait percevoir comme un avant-goût du ciel. Je n’avais vu nulle part cette lumière diffusée par les baies où dominent mes trois couleurs préférées : le bleu de l’’espérance, le rouge de la naissance, le jaune signe de la joie. 

J’avais l’impression d’être couvert de bijoux scintillants. Ce fut comme un don du ciel.  Depuis, je médite régulièrement dans la cathédrale. A l’occasion du millénaire de Fulbert de Chartres, j’ai réalisé deux vitraux pour la crypte. 

Malgré l’obscurité apparente de la nef, la luminosité de la cathédrale de Chartres reste toujours une source inépuisable d’inspiration. 

Le vitrail m’a beaucoup appris.  De même qu’il est conçu pour refléter les rayons du soleil, l’homme aussi éclaire le monde par la lumière qu’il reçoit de Dieu. Il révèle Dieu par la lumière de la grâce qui le transforme. 

C’est cela le mystère de l’Incarnation, à Noël. Car Jésus, Dieu fait homme, révèle à chacun la lumière du créateur. L’homme est libre de répondre à cette grâce. Les mages et les bergers, eux, ont dit oui en suivant l’étoile. 

Devant la crèche, ils se sont faits témoins de l’immense Lumière. Ainsi, l’homme qui prend exemple sur eux sera l’étoile qui guide les hommes sur le chemin, comme dit saint Paul : «  Soyez les étoiles du monde ! » en écho à Jésus : « Vous êtes la lumière du monde »  (Matthieu 5, 13-14).  

Le Christ est la Lumière des nations, la vraie lumière qui ne s’éteint jamais. Dans l’Ancien Testament, il est annoncé comme le Fils de la Lumière. 

Il est vital que chacun  suive sa propre étoile, c’est-à-dire sa vocation. Le penseur juif Martin Buber (1878-1965) rapporte la réflexion d’un sage hassidique du XVIII° s., rabbi Zousya, peu avant sa mort : « Dans le monde qui vient, la question qu’on va me poser ce n’est pas : « Pourquoi n’as-tu pas été Moïse ? », mais «  Pourquoi n’as-tu pas été  Zousya ? » C’est-à-dire, pourquoi n’as-tu pas été toi-même ? 

Dans mon ministère de prêtre et mon métier de peintre, je me tiens à une seule exigence fondamentale : que tout ce que je crée soit orienté vers la Lumière. Je ne suis que l’instrument de la Lumière divine pour que tous, chrétiens et non chrétiens, soient frappés par sa beauté.

Un jour, quatre juifs sont venus à l’une de mes expositions, à Paris. L’un d’eux m’a tendu la main et m’a dit : « Merci, car je peux prier devant votre tableau ! ». Ce fut ma plus belle récompense… "

[Né en 1940 à Haguan dans la Corée du Sud, son père était calligraphe et le jeune Kim En Joong se passionna très tôt pour le dessin et la peinture. En 1959 il suivit des cours à l'école des Beaux Arts de Séoul puis à l'université où il étudie Millet, Manessier, Rouault, Matisse.

Il se convertit au christianisme et devient prêtre chez les dominicains le 4/08/1974.Installé à Paris en 1975, il ne quitte pas ses pinceaux tout en assumant son ministère. Ce n'est qu'en 1989 qu'il se lance dans le vitrail. Il assume sa vocation de peintre et de prêtre pour rendre témoigange à la lumière.

" Que tout ce que je crée soit orienté vers la Lumière. Je ne suis que l'instrument de la lumière divine pour que tous chrétiens et non chrétiens, soient frappés par sa beauté.]

(Propos recueillis par Aude Soulaine – Les Essentiels de la Vie N° 3197 du 7 décembre 2006)

Quelques photos de ses oeuvres et une vidéo  (ci-dessous)

Dans la salle capitulaire de son couvent à Paris, Kim En Joong présente ses dernières créations (21-01-2010)

Kim En Joong déroule ses grands formats

 

  

Huile, 65 x 54 cm , 2008

Huile, 80 x 30 cm, 2008

Huile, 1 m x 1 m, 2008

Huile, 65 x 54 cm, 2008

Huile, 1 m x 1,40 m, 2008

 

Huile, 1 m x 1 m, 2008

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Article dans Valeurs Actuelles