St Jérome G.de la Tour

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Chef-d'oeuvre ou copie? Une exposition lorraine enquête sur le mystère Georges de La Tour

  •  /  Vic-sur-Seille (France)
  •  -  13 octobre 2013 10:28
  •  -  AFP (Etienne BALMER)

Une exposition en Lorraine retrace les recherches quasi policières de l'histoire de l'art sur le mystérieux peintre Georges de La Tour (1593-1652), en présentant quatre chefs-d'oeuvre du "Caravage lorrain" mais aussi douze copies, dont certaines lui avaient été longtemps attribuées.

Pendant quasiment deux siècles et demi, ce virtuose de la peinture "avait complètement disparu des sphères de l'histoire de l'art", rappelle Dimitri Salmon, collaborateur scientifique au Louvre et commissaire de l'exposition du musée Georges de La Tour à Vic-sur-Seille (Moselle), la ville natale de l'artiste, située à 30 km de Nancy.

Après un important succès de son vivant, son oeuvre introspective passe de mode pour faire place au baroque. Et les guerres successives qui ont ravagé la Lorraine, notamment la guerre de Trente Ans (1618-1648), n'ont guère contribué à la préserver.

Si bien qu'aujourd'hui on dénombre à peine une petite quarantaine de tableaux originaux de La Tour dans le monde, bien loin des quelque 130 de Vélasquez ou des 450 de Rembrandt, deux de ses illustres contemporains. "C'est peu pour un artiste qui a dû être extrêmement productif, probablement 10 ou 20% du total", estime M. Salmon.

En outre, l'abstraction de toute narration dans ses peintures, non datées la plupart du temps, sans titre d'origine et rarement signées, rend la mission de leur authentification particulièrement ardue, même pour les meilleurs spécialistes.

Pour illustrer ces difficultés l'exposition s'ouvre par trois "faux suspects": trois tableaux représentant Saint Jérôme qui ont longtemps été pris comme des La Tour. Même l'historien de l'art à qui le peintre lorrain doit sa résurrection en 1915, l'Allemand Hermann Voss, s'était fait duper par l'un d'entre eux.

Plus loin apparaissent des chefs-d'oeuvre du maître, comme le "Saint Jérôme lisant" du musée du Prado, miraculeusement identifié à Madrid en 2005 et exposé pour la première fois hors d'Espagne. Ou un tableau similaire, tout aussi remarquable de finesse mais plus abîmé par le temps, issu des collections de la Reine d'Angleterre. Quand la Couronne britannique l'a acquis vers 1660, elle pensait alors mettre la main sur une oeuvre de... Dürer.

Un polar derrière chaque tableau

Là aussi, le musée a fait le choix de mêler ces chefs-d'oeuvre à des copies, parfois réalisées par l'atelier du maître, qui lui a survécu quelques années.

Certaines d'entre elles sont d'excellente facture, d'autres nettement moins. Mais même une copie sans grande valeur artistique peut constituer une mine d'information pour les spécialistes, en pouvant par exemple "rendre compte d'un tableau original de La Tour que l'on ne connaît pas forcément", justifie M. Salmon.

Sous certains aspects, travailler sur cet artiste "revient à mener de véritables enquêtes policières" car plus que chez les quelques autres peintres de cette envergure, "autant l'homme que ses oeuvres ont gardé leur part de mystère", reconnaît-il.

Afin de mieux pouvoir comparer les oeuvres présentées, l'exposition a retenu quasi exclusivement le thème de Saint Jérôme, l'un des Pères de l'Eglise et sujet iconographique très répandu dans les pays catholiques aux 16e et 17e siècles sous l'effet de la Contre-Réforme.

Saint Jérôme est aussi "le seul exemple de sujet chez La Tour pour lequel on connaît des oeuvres s'étalant sur toute sa carrière", un échantillonnage qui permet de se poser toutes les questions sur son art, explique encore M. Salmon.

L'exposition s'achève en apothéose en montrant côte à côte les deux "Saint Jérôme pénitent" de La Tour qui nous sont parvenus, l'un prêté par le musée de Grenoble et l'autre par le musée national de Stockholm.

D'un réalisme sans concessions, ils dépeignent dans les moindres détails un homme au corps de vieillard décharné. Mais c'est une décrépitude dont triomphent les forces de l'esprit, suggérées notamment dans l'énergie du regard et de la pose du personnage, toute en dignité.

Deux autres La Tour originaux faisant partie des collections permanentes du musée sont accessibles dans une salle en marge de l'exposition, dont l'une des dernières toiles du maître, "Saint Jean-Baptiste dans le désert", reconnue comme l'une de ses oeuvres majeures.

L'exposition "Saint Jérôme et Georges de La Tour" dure jusqu'au 20 décembre.

Etienne Balmer

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