ADAM ET EVE DE F.GARIERI

 

(Adam et Eve, 2010, acrylique sur toile,…..)

 

Le vocabulaire et l’écriture développés par Francesco Garieri témoignent indéniablement d’une réelle sincérité et d’une profonde humilité.

Sa peinture ne cache rien car il suffit de le lire pour comprendre qu’il utilise un langage courant voire naïf ou enfantin pour aller directement à l’essentiel, au plus profond de nous-mêmes. Pour lui, le monde des formes et des couleurs jaillit des profondeurs de l’âme.

C’est pourquoi sa peinture est toujours émotion et poésie de l’être. A l’exemple de Kandinsky, il peut affirmer sans prétention :

« Tous les moyens sont sacrés dès lors qu’ils correspondent à une nécessité intérieure. »

Adam et Eve qui est le titre de cette œuvre réalisée en 2010 est une étape supplémentaire dans le cheminement de ce peintre-poète de l’âme.

Pourtant ce couple mythique semble particulièrement étrange et distant. Ces deux personnages hiératiques qui sont placés face à face, aux deux extrémités verticales du tableau, ne se regardent pratiquement pas et adoptent une attitude comparable à un profond détachement voire même à un réel désintérêt .

Au milieu d’eux, au centre de la toile, dans un espace presque vide, on observe une forme ovoïdale dans laquelle semblent émerger de manière fantomatique des formes humaines…comme les premiers hommes allant peupler ce monde.

Les couleurs appliquées sont fraîches et légères, le bleu et le rose accompagnent poétiquement cette naissance de l’humanité. Par contre dans le bas de la toile représentant le sol, cette terre en gestation, tout est encore désordre. Cette anarchie des éléments naturels est symbolisée par cette peinture en devenir qui se mélange et se frotte à gros traits (du jaune, du vert et du rouge) et qui dégouline.

Ce monde de Francesco n’est pas entièrement gai ni joyeux mais ce qui est remarquable chez lui c’est sa fraîcheur de l’invention.

Il est à l’exemple d’un Miro qui avait décrit un monde souvent magique et étrange et qui retrouve la « seconde naïveté » même lorsqu’il avait déjà atteint un âge avancé.

Bien entendu on retrouve dans cette œuvre également l’art des primitifs et l’ « art brut », mi-naïf, mi grotesque d’un Jean Dubuffet.

Comme ce grand maître de l’Art Brut, Francesco poétise la matière et s’intéresse davantage à la vie simple de ses contemporains et à la banalité de notre vie quotidienne. Il se méfie des théories et des théoriciens de l’esthétique et s’émerveille davantage à la vue de dessins et graffitis d’enfants, dans la rue aux murs des maisons.

Cependant en filigrane, on découvre aussi chez Francesco un autre univers proche du surréalisme par l’évocation des mondes kafkaïens. Cette impression est renforcée par l’émergence de ces figures fantomatiques des premiers êtres humains et celles du couple mythique, Adam et Eve, qui se dévoilent de manière singulière. En effet ces deux personnages apparaissent à la manière de dessins-prototypes avec une vision architecturale remarquable.

Mi-hommes, mi-robots, des lignes comme des connexions électriques traversent leurs corps respectifs. A l’évidence ces étranges personnages participent à ce monde surréel et imaginaire de Francesco.

Bref Francesco fait se côtoyer par des combinaisons paradoxales, le réel, le futur et le surréel. Il mélange les éléments de notre histoire ancienne (l’Ancien Testament), et aussi actuelle ou future avec ceux empruntés aux civilisations primitives.

Entre la réalité et le rêve, l’expérience extérieure et intérieure, Francesco nous fait accéder par sa peinture à des mondes qui nous paraissaient parfois inaccessibles.

Metz, le 01-09-2010

Christian Schmitt

 

Francesco Garieri

(Francesco est décédé le samedi 11 septembre 2015, l'âge de 57 ans... qu'il repose en paix et que son oeuvre demeure toujours aussi vivante!)