Central Park(P.Alechinsky)

 

Central Park, 1965, acrylique sur papier marouflé sur toile, 162 x 193 cm, coll.part.


Pierre Alechinsky nous plonge dans un monde « extraordinaire » proprement angoissant. Il éprouve le besoin  peut-être d’exorciser nos craintes et aussi bien entendu les siennes face à cette mégapole  où le jour vient de tomber en laissant émerger des mondes inconnus…

Autour de ce parc devenu un monstre, viennent se greffer des scènes d’horreur sous forme de B.D. cernant le rectangle central.

Cette toile a été pour P.A. le grand tournant de son aventure picturale, comme un déclic. Du haut de son atelier new-yorkais du 35° étage avec une vue sur le Central Park,  en observant les méandres des chemins, les rochers et les pelouses de ce parc, il a cru entrevoir une gueule  d’un monstre.  

C’est sa première peinture acrylique où il installe la prédelle, les remarques générales qui sont devenues pour lui nécessaires voire essentielles pour « compléter » ou « expliquer » l’œuvre centrale. 

En fait dans ce monde inquiétant où tout envahit, prolifère, fusionne…il possède une organisation sans faille car chaque dessin inséré autour du rectangle est à sa place. 

Sa peinture n’est pas une vision mais exorcisme. 

Elle est aussi un cri de liberté, fidèle en cela au mouvement Cobra  et comme Jorn et Debord, il peut dire : 

«  Parler de désir pour nous, hommes du XX° s, c’est parler de l’inconnu, parce que tout ce que nous connaissons de l’empire de nos désirs, c’est qu’ils se ramènent à un immense désir de liberté. Or, la libération de notre vie sociale, que nous nous proposons comme tâche élémentaire, nous ouvrira la porte qui donne sur l e nouveau monde… ». 

Un art qui totalise la joie et l’angoisse, l’imagination et le vécu.

 

 

 

DECLICS DE CENTRAL PARK selon P. Alechinsky

 

En observant, au printemps, les méandres des chemins, les rochers et les pelouses de Central park, du haut de l’atelier new-yorkais de Walasse Ting, situé au 35° étage, j’ai cru entrevoir une gueule débonnaire de monstre. 

J’ai repris cette forme, venue de la topographie du parc, à l’acrylique, sur un rectangle de papier posé au sol. 

L’été suivant, j’ai punaisé cette image sur mur de l’ancienne école d’un village de l’Oise, où j’avais un atelier. 

Et pendant plusieurs soirées, en regardant cette image, je me suis mis à dessiner au pinceau et à l’encre de chine sur des bandes de papier Japon, comme ça, pour le plaisir, mais tout en pensant aux mythologies citadines que ce parc « ventral » de new York suscitait. 

Puis, pour voir ce que cela donnerait, je les ai fixées à la périphérie du rectangle très coloré peint à N.Y.

Cela a fonctionné étrangement, les remarques marginales (terme emprunté à l’estampe) en noir et blanc entourant la zone colorée du centre retenant les yeux de celui qui passe devant le tableau.

Mais comment présenter et préserver cet ensemble ? 

Seul le marouflage – métier que j’ignorais – était possible. Je m’y suis mis tant bien que mal, d’où quelques erreurs techniques visibles dans ce tableau. 

Dès lors, j’ai continué à peindre à l’acrylique sur papier, que je maroufle sur toile, revenant parfois à la peinture à l’huile, comme quelqu’un qui a joué du piano il y a longtemps et qui s’y remet pour voir s’il n’a pas tout perdu. 

(Propos recueillis dans Téléréma Hors série de 1998, p.29 )

 

 

 

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