COLMAR (TREVISSE)

                                       " Colmar, 1979" de Jean-Louis Trévisse

                                                   ( encre de Chine, 12,30 x 19 cm )

 

 

Destin tragique d'un homme qui tente d'éviter sa chute. Son bras droit, qui s'étire dangereusement dans le vide, au bord d'un précipice, risque de l'entraîner dans le néant. Mais il est toujours conscient: son oreille gauche anormalement grossie entend le fracas du dehors et sa bouche étrangement grande ouverte laisse apparaître une seule dent et profère des sons qui sont incompréhensibles parce que inarticulées…

Cet homme est comme noyé dans un magma de formes en fusion. Il accompagne (ou subit) les poussées et les convulsions d'une géologie embryonnaire. Tout seul il ne peut se libérer du maelström de ces formes étranges qui l'encerclent de toutes parts et l'enfoncent dans un labyrinthe dépourvu de sortie.

Rien ne pourra le libérer car le jeu impitoyable de ce monde environnant ne lui laisse aucune issue entre des formes oppressantes et un graphisme très élaboré qui sous forme d'un maillage fin l'enserre comme dans un filet. 

Un monde sans vie où même la beauté du trait, sa finesse et une certaine élégance graphique  ne sauraient le sauver. Jean-Louis se jette dans cet univers comme un désespéré. Il a perdu espoir de grandir et de s'élever. Il est dans la chute et celle-ci est d'autant plus cruelle que personne ne vient le secourir. Seul avec l'alcool qui lui fait oublier passagèrement cet état tragique et les formes qui l'entourent et l'oppressent : ce sont peut-être les hommes, ses semblables, mais qui ont perdu toute forme d'humanité.

Par son pathos expressionniste, Trévisse nous révèle un monde effrayant, monstrueux voire grotesque. 

Son visage n'est en réalité que le reflet de cette tragédie qu'il vit au quotidien. Secoué de tremblements, déformé et écrasé par des intensités qui le submergent ou le traversent. Ce visage est peut-être aussi celui de l'humanité qui arrachée à la nuit de l'ignorance (les zones foncées et épaisses au-dessus de sa tête en sont le témoin) pour découvrir finalement l'horreur d'un vertige…celui du non-sens de la vie …!

PS: Jean-Louis Trévisse a réalisé ce dessin à l'encre de Chine en août 1979 dans un hôtel à Colmar (près de la gare). Il participait à des vacances en famille dans la région d'Alsace (Obernai et Colmar notamment). Ce dessin le montre dans la tourmente du doute et de sa profonde inquiétude quant à son avenir de peintre.

 

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