1970-1975

  


II) Le traumatisme foetal: 1970-1975 

Certains dessins sont d'une rare cruauté notamment ceux montrant des femmes éventrées avec leur foetus et d'ailleurs le foetus et diverses formes ovoïdales sont souvent des thémes récurrents apparaissant dans les oeuvres de cette période. Lui-même indique dans son ouvrage "L'étoffe des ondes" qu'il est : " un foetus traumatisé" !

 

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encre de chine 1971

Ce dessin à l'encre de chine fait partie d'une série que Jean-Louis Trévisse réalisa en 1971,  d'une grande violence avec souvent des corps de femmes éventrés.

 

Ici, ce n'est pas un animal comme 'le boeuf écorché' de Rembrandt, mais c'est un être humain éventré, disloqué, découpé en tranches !


On ressent un profond malaise en regardant ce spectacle d’une rare cruauté. On a l’impression que l'artiste ne maîtrise plus ses pulsions inconscientes, résultat peut-être d’une rupture, d’une scission de son état psychique de cette époque : le conscient ne jouant plus à l’évidence son rôle de frein vis-à-vis des impulsions de l’inconscient.

 

Il déverse sur la feuille de dessin des éléments enfouis au plus profond de lui-même à la fois étranges, inquiétants et horrifiants.

    

Bien sûr on pense à l’oeuvre de Picasso, avec « Guernica » de 1937 ou à celle de Salvador Dali avec « Prémonition de la guerre civile » de 1936, toutes deux également marquées par les drames d’une époque, à la veille de la seconde guerre mondiale.

   

Comme ces deux artistes prestigieux, Jean-Louis Trévisse exprime à sa façon par  cette oeuvre d’idée, totalement l’homme moderne comme la Crucifixion exprimait totalement le Chrétien d’autrefois.

   

Malgré la brutalité de la scène, la composition est magnifiée par la beauté d’un graphisme fin et maîtrisé avec beaucoup d’art. On remarque ce travail « d’orfèvre » tout particulièrement dans les contours de la scène où l’ombre est traitée comme de la dentelle fine et évanescente. Les jeux d’obscurité et de lumière donnent une force dramatique à l’oeuvre.

 

Parmi ce ou ces corps déchiquetés, surgit un bras avec une main palmée qui nous renvoie au traumatisme foetal de l’artiste.

 

A l’évidence, il s’agit d’une oeuvre marquante de cette époque qui ne laisse personne indifférent. Elle démontre la puissance et la maîtrise de l’artiste sur des sujets difficiles et contreversés,  car par la destruction du corps, il désacralise en quelque sorte l’homme.

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" Le Manège" encre de chine 1971 (39,40x54,20cm)

Cette composition singulière met en scène un manège d’une foire foraine avec quatre bovins presque décharnés, la tête à l’état de squelette, se dirigeant vers cette attraction de foire comme aspirés par son tourbillonnement.

  

A l’avant scène et à côté de ces animaux de ferme, un oeuf géant sur une étoffe ample et généreuse disposée en draperie avec au sommet un spermatozoïde qui tente une vaine intrusion. Plus étonnant encore, à proximité immédiate, une femme en pleurs, à la fenêtre au premier niveau d’une petite habitation carrée avec au sommet une gargouille qui déverse de grosses gouttes d’eau en forme de larmes.

  

Le soleil apparaît difficilement dans ce paysage étrange et inquiétant, seul un rayon arrive à percer un nuage et le plus bouleversant, c’est ce bras au sol qui apparaît sous la carcasse d’un animal et qui tend  une fleur dans sa main atrophiée.

 

L’univers liquide y est également présent, on découvre à l’arrière-plan les méandres d’un cours d’eau qui grossit pour inonder le devant de la scène, isolant l’ensemble dans une sorte de presqu’île.

   

Le côté cruel et sauvage de cette représentation est magnifié par une technique très élaborée du trait, de la finesse du dessin, d’une élaboration très réfléchie et composée de chaque détail graphique. Le drapée de l’étoffe sur laquelle repose l’oeuf respecte la tradition de la Renaissance : le résultat est d’une grande beauté. 

 

Malgré sa violence, cet univers onirique est rempli de poésie, celle d’un enfant ou d’un fou   (Je pense à Antonin Artaud), celle aussi d’un être pudique qui s’ouvre pour se confier tout simplement.

  

Par référence, on perçoit  l’influence de Giorgio de Chirico, un précurseur du surréalisme qui respectait également la « perspective » traditionnelle de la Renaissance. Lui aussi présentait un univers onirique mais au lieu des statues et des mannequins, Jean-louis préfère montrer le vivant dans sa forme la plus dépouillée, voire désincarnée.

 

La main atrophiée qui tend une fleur me fait penser également à Yves Tanguy, peintre surréaliste qui dans son oeuvre « La main dans les nuages » fait côtoyer des créatures et végétation étranges.

  

A l’évidence la composition du « Manège » est d’inspiration pré-surréaliste et décrit un monde morbide, traumatisant. Cette destruction des corps et cette cruauté affichée restent une constante de cette période créative de Trévisse.

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"Evelyne" tableau-plâtre 1973 (53,40x44,50cm)

Le tableau "Evelyne" nous immerge dans les jaunes et les ocres pour signifier le début de la vie comme l'atteste la présence de l'oeuf, d'un foetus et d'une forme spermatozoîdale. Les formes complexes savamment orchestrées, incurvées en demi-cercle, formant des volutes et des plissements ondoyants s'agencent poétiquement autour de ces symboles de la vie.

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