PROCESSUS DE CREATION
VIENT DE PARAITRE AUX EDITIONS L'HARMATTAN
"Le processus de création picturale"
Analyse phénoménologique
de
Dominique DEMARTINI
Est-il possible d'élaborer une analyse du processus de création picturale ? Comment le philosophe peut-il y parvenir si l'expérience de la création lui est inconnue ?
La philosophie ne peut avancer sur ce terrain sans l'aide des artistes eux-mêmes.
C'est pourquoi elle doit s'atteler à deux tâches complémentaires.
La première, théorique, consiste à conduire des analyses de l'effort et de la temporalité de la création afin d'élaborer une description phénoménologique du processus de création, étape par étape, depuis l'avènement d'une inspiration jusqu'à l'achèvement de l'oeuvre.
La deuxième, pratique, doit être conduite en collaboration avec les artistes pour mettre à l'épreuve tout ce que la phénoménologie peut dire du processus de création.
Elle a donné lieu à cinq entretiens inédits avec les peintres H. Cueco, C. Jaccard, J-P. Pincemin, P. Soulages et H. Télémaque.
L'auteur en quelques mots... Dominique Demartini est professeur de philosophie, ses recherches portent sur l'analyse phénoménologique de l'immanence sensible.
Ed. L’Harmattan, 32€
POLEMIQUE SUR FACEBOOK A la suite d’une présentation de l’ouvrage de Dominique DEMARTINI sur Facebook le 27/12/2009, une polémique s’est déclenchée à propos du bien-fondé d’une approche philosophique et notamment phénoménologique, voici quelques extraits parus sur facebook : - Art's My
"A mon avis pour avoir un soupçon de réponse en ce qui concerne les processus de création…il ne faut pas se tourner vers la philosophie mais vers la psychologie…voir la psychanalyse. Utiliser la phénoménologie dans un domaine comme l’art (pour analyser son processus) c’est un peu comme se demander : par quel processus une voiture peut-elle rouler ? L’observant dans ses déplacements…Afficher davantage et interactions de cause à effet…sans jamais avoir eu l’idée d’ouvrir le capot pour aller regarder dans le moteur." "La psychologie ne pense que l'être et/ou l'individu dans son monde et jamais le Monde. Difficile alors qu'elle puisse comprendre le processus de création artistique." - Art's My
"C’est très mal connaître cette science que de penser ça… Il existe les notions d’objet interne et externe et bien au contraire, c’est l’individu en interaction constante avec le monde…Afficher davantage…qui est soulevé dans la réflexion d’un être (autrement ça n’aurait aucun intérêt)" REPONSE DE DOMINIQUE DEMARTINI le 2/01/2010:
"Bonjour, Je suis très heureux de voir que mon travail vous intéresse et fait réagir. Pour ce qui est de la "polémique" je ne crois pas qu'il y ait là de véritable problème. - Opposer non seulement la phénoménologie mais carrément toute la philosophie à la psychologie, fut-elle analytique, est beaucoup trop simplificateur. Il y a des phénoménologies et des psychologies. Du coup il est impossible de les opposer comme deux blocs. D'un côté les phénoménologies s'opposent entre elles quelques fois de manière très radicale. De l'autre certaines branches de la psychologie, ou plutôt certains travaux de psychiatres éminents, ont consisté à chercher chez Husserl et Heidegger matière à comprendre et à soigner des troubles comme la maniaco-dépression ou la schizophrénie (je pense aux travaux de L. Binswanger dans Mélancolie et manie ou dans Introduction à l'analyse existentielle par exemple. Ils sont très bien analysés par H. Maldiney dans Penser l'homme et la folie et sous-tendent sa phénoménologie de l'art !!) - Comparer le recours à la phénoménologie dans le domaine de l'art à la tentative de comprendre le fonctionnement d'une voiture en l'observant "dans ses déplacements et interactions de cause à effet sans jamais avoir eu l'idée d'ouvrir le capot" est pour le moins curieux. La phénoménologie ne peut ni de près ni de loin se réduire à l'observation d'un objet dans le monde. Elle s'intéresse à la donation de l'objet, c'est à dire à la manière dont il nous apparait. C'est tout à fait différent. Comment se constitue notre conscience "de" quelque chose ? Pour le comprendre il faut déployer une analyse descriptive des différents modes de donation de l'objet. Cela implique non seulement une analyse statique de la relation entre forme de l'intentionnalité (lien acte de pensée ou noèse / objet de pensée ou noème) et contenu de l'intentionnalité (matière ou hylè) mais aussi une prise en compte de la temporalité et de l'espace. Cela a conduit Husserl à montrer à quel point l'ego est à la fois temporalisant et temporalisé : il est source de notre expérience de la durée et est lui-même structuré par le temps. Tout cela est vite et mal dit mais il s'agit juste de montrer que l'image de la voiture ne convient pas. En fait la phénoménologie ne s'intéresse pas à la voiture mais à la manière dont un sujet peut la viser intentionnellement, éventuellement pour en comprendre le fonctionnement en ouvrant le capot. À vrai dire, une fois le capot ouvert, la question phénoménologique reste entière. Comment m'est donné ce mécanisme que je perçois dans la durée d'une expérience subjective très complexe ? Evidemment on pourra persister dans la critique en disant que l'analyse de la donation de la perception de la voiture ne me fera jamais comprendre le principe du moteur à explosion. Mais dans le cas qui nous occupe cela ne rime à rien. Le processus de création ne se voit ni de loin, ni en ouvrant je ne sais quel capot avec une clef empruntée à la psychologie… Ce qui est en cause c'est la possibilité de dire quelque chose qui tienne la route sur la manière dont l'œuvre en chantier apparait à l'artiste. L'idée est que l'orientation du processus jusqu'à son achèvement se joue dans la manière dont l'œuvre se donne à chaque étape de la création. L'œuvre n'est pas conçue puis réalisée, elle est conçue dans la réalisation et réalisée à mesure qu'on la conçoit. Je maintiens que la description de cette évolution est à la portée de la phénoménologie. Pour en revenir à mon livre il y a plusieurs points sur lesquels il faut peut-être revenir : 1°) Ma problématique s'appuie sur la confrontation de deux démarches phénoménologiques différentes : celle de Maldiney dont vous trouverez la formulation la plus synthétique dans son article Vers quel phénoménologie de l'art (paru dans la revue la part de l'œoeil et dans le livre L'art l'éclair de l'être) et celle de Michel Henry telle qu'elle est formulée en particulier dans le livre Voir l'invisible. L'idée de départ était que ces deux phénoménologies de l'art conduisent par elles-même à la question du processus de création. Mais ni Maldiney, ni M. Henry n'ont directement traité cette question. J'ai simplement tenté de comprendre pourquoi et de suivre la piste le plus loin possible. 2°) Il est bien évident que l'analyse du processus de création peut être effectuée autrement. On peut d'abord imaginer une approche phénoménologique différente de la mienne : à partir de Husserl, d'Heidegger, de Levinas, de Merleau-Ponty etc… On peut imaginer construire une génétique picturale avec ce qu'on pourrait appeler des pensées pré-phénoménologiques. Je pense à Maine de Biran dont je parle dans mon livre ou Conrad Fiedler. Enfin, il y a la piste "psychologique" : L. Binswanger ou dans un genre plus psychanalytique Didier Anzieu et son livre Le corps de l'œuvre. J'espère ne pas avoir été trop long. Si vous avez besoin de précisions ou de références bibliographiques n'hésitez pas. Bien cordialement, Dominique Demartini " PS: D. DEMARTINI m'a autorisé à reproduire sur mon site et à diffuser sur Facebook sa réponse. Voici son mail du 5/01/2010: " Aucun problème pour la publication du texte. Pour ce qui est de la présentation, il n'y a pas grand chose à dire. J'ai 39 ans, je suis professeur de philosophie dans le secondaire. Le processus de création picturale est la publication de ma thèse de doctorat, allégée et modifiée. Certains des entretiens ont été publiés ailleurs : dans le livre de Christian Jaccard L'Évènement et sa trace, (il sera aussi dans un ouvrage à paraître en 2010 aux éditions de l'ENSBA et qui reprendra un ensemble d'entretiens de Jaccard avec quantité d'interlocuteurs réalisés depuis 1975) et dans le livre de P. Soulages paru cette année chez Hermann Écrits et propos. Si vous voulez de plus amples renseignements ou des précisions, n'hésitez pas. Cordialement, Dominique Demartini"
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